Eric Woerth, ancien Ministre du Budget de la « République irréprochable » qu’avait promis Nicolas Sarkozy en 2007, ancien Trésorier de l’UMP, a été mis en examen avant-hier pour trafic d’influence passif, et hier pour recel d’une somme de 150 000 ? en liquide, qui aurait pu servir au financement illicite de la campagne du Président de la République en 2007 selon l’ex-comptable de Liliane Bettencourt.
En toute logique, ces mises en examen aurait dû être décidées par le Procureur Philippe Courroye mi-2010, au début de l’affaire. Mais nous sommes là au coeur du débat sur l’indépendance du Parquet vis-à-vis du pouvoir en place, surtout lorsqu’il s’agit de la mise en cause de membres de ce pouvoir. Après moultes péripéties dont les suites sont encore en cours, cette affaire a due être dépaysée de Nanterre à Bordeaux en novembre 2010. Et ce sont finalement des juges d’instruction, juges indépendants, qui ont prononcé cette semaine ces mises en examen, plus d’un an et demi après la révélation de l’affaire. Rappelons au passage que le Président de la République avait annoncé début 2009 qu’il comptait supprimer cette fonction de juge d’instruction. Et rappelons également que suite aux réactions provoquées à l’époque, il s’était engagé en juillet 2010 à légiférer sur les conflits d’intérêt avant la fin de la mandature, ce qui n’aura finalement pas lieu (cliquer ici pour lire notre article à ce sujet ).
Mais depuis novembre 2010, le volet financement illicite de parti politique et trafic d’influence de cette affaire Woerth-Bettencourt semblait rester au point mort. C’est pourquoi le Conseil d’administration d’Anticor avait décidé en décembre dernier de déposer ce mois-ci une plainte avec constitution de partie civile à ce sujet, afin de jouer le rôle de l’aiguillon citoyen qui semblait manquer à cette partie de l’enquête. Or il se trouve que depuis la toute récente décision de la Cour de cassation, qui permet définitivement d’utiliser les enregistrements « pirates » de conversations au domicile de Liliane Bettencourt comme éléments de preuve, cette information judiciaire démarre réellement sans perdre de temps, avec une certaine intensité et de façon clairement indépendante. Il est donc vraisemblable que nous n’ayons finalement pas ? sauf mauvaise surprise ? à nous porter partie civile dans cette affaire, en application de nos principes d’intervention en justice que rappelait Eric Halphen, notre Président d’Honneur, lors de notre assemblée générale du 28 janvier dernier (voir vidéo sur la page d’accueil de notre site ).
Il semble que semble que la qualification de « recel » retenue par les juges permette d’éviter l’écueil de la prescription, qui aurait pu être opposée à celle de financement illicite de parti politique. A ce stade, le respect de la présomption d’innocence s’impose pour Eric Woerth, sachant qu’on ne fait référence à la présomption d’innocence que lorsqu’il y a suspicion de culpabilité.
Mais encore une fois, la démonstration est faite qu’en France actuellement, seule une justice indépendante peut éclaircir les zones d’ombres des affaires politico-financières, sans suspiscion de pression du pouvoir en place. A méditer pour tous les projets présidentiels se mettant en place actuellement?
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