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10 mai 1981 – 10 mai 2009

Chers Camarades,

Voici 28 ans exactement que François MITTERRAND fut élu Président de la République.

Il est agréable de pouvoir lui rendre hommage, pour son combat, pour son bilan, pour son exemple. Des jeunes de ma section ne savent pas, quand je les interroge qui est Claude Estier, qui est Nicole Questiaux, qui était Paul Legatte, ce qu’était le journal « L’UNITE »!

Même si par ailleurs, je ne doute pas qu’ils connaissent, attirés qu’ils sont par l’essentiel, la généalogie de tel joueur de football, jusqu’à la quinzième génération! Et pourtant! On n’imagine pas la somme de patience et d’efforts acharnés qu’il a fallu à notre regretté président pour réussir à unir le parti socialiste, avant d’unir la gauche.

Après 23 ans dans l’opposition, 23 ans! La gauche accédait enfin au pouvoir et, avec le choix judicieux de Pierre Mauroy comme premier ministre, se mettait au travail sur ses 11O propositions, dont 9O furent réalisées.

Le 13 Mai 1981, le gaullisme, par la voix de Michel Debré, traduisait sa rageuse amertume: » Mitterrand n’est pas légitime ». Voilà un mot fétide, mais tellement révélateur.. La droite française, même si cela ne se voit pas toujours, est profondément marquée par le refus de l’alternance… Elle se croit vraiment propriétaire de la France!

François Mitterrand fut celui qui poussa en avant une certaine Ségolène Royal, avant d’en faire une ministre; il serait dommage de l’oublier! Et aujourd’hui, où le PS a un grave problème de « leadership », au point que les Français ne retiennent en priorité que nos divisions, il est utile de prendre du passé les leçons qu’il nous offre.

Un homme remarquable, comme Pierre Bergé, qui soutient Ségolène, est par ailleurs, Président de l’Institut des Amis de François Mitterrand. C’est à ces trois personnalités que je veux rendre un fidèle et affectueux hommage. Ainsi qu’aux militants anonymes.

Il n’était que de voir l’ovation qui fut réservée, au dernier conseil fédéral, debout, à Robert Badinter, après son intervention précise et vigoureuse, sur l’état de la justice en France! Ce sont des hommes de cette trempe, de cette envergure que Mitterrand avait choisis.

Amitiés,

De qui s’agit-il ?

Un célèbre écrivain parle d’un célèbre chef d’état Français, mais qui sont ils ?

« Que peut-il ? Tout. Qu’a-t-il fait ? Rien.
 Avec cette pleine puissance, en huit mois un homme de génie
 eût changé la face de la France, de l’Europe peut-être.
 Seulement voilà, il a pris la France et n’en sait rien faire.
 Dieu sait pourtant que le Président se démène :
 il fait rage, il touche à tout, il court après les projets ;
 ne pouvant créer, il décrète ;
 il cherche à donner le change sur sa nullité ;
 c’est le mouvement perpétuel ;
 mais, hélas !
 cette roue tourne à vide.
 L’homme qui, après sa prise du pouvoir
 a épousé une princesse étrangère est un carriériste avantageux.
 Il aime la gloriole, les paillettes, les grands mots, ce qui sonne,
 ce qui brille, toutes les verroteries du pouvoir.
 Il a pour lui l’argent, l’agio, la banque, la Bourse, le coffre-fort.
 Il a des caprices, il faut qu’il les satisfasse.
 Quand on mesure l’homme et qu’on le trouve si petit
 et qu’ensuite on mesure le succès et qu’on le trouve énorme,
 il est impossible que l’esprit n’éprouve pas quelque surprise.
 On y ajoutera le cynisme car, la France,
 il la foule aux pieds, lui rit au nez, la brave,
 la nie, l’insulte et la bafoue !
 Triste spectacle que celui du galop, à travers l’absurde,
 d’un homme médiocre échappé ‘. »

Toqueville

« Il y a un passage très périlleux dans la vie des peuples démocratiques.

« Lorsque le goût des jouissances matérielles se développe chez un de ces peuples plus rapidement que les lumières et que les habitudes de la liberté, il vient un moment où les hommes sont emportés et comme hors d'eux-mêmes, à la vue de ces biens nouveaux qu'ils sont prêts à saisir. Préoccupés du seul soin de faire fortune, ils n'aperçoivent plus le lien étroit qui unit la fortune particulière de chacun d'eux à la prospérité de tous. Il n'est pas besoin d'arracher à de tels citoyens les droits qu'ils possèdent ; ils les laissent volontiers échapper eux-mêmes (?)

« Si, à ce moment critique, un ambitieux habile vient à s'emparer du pouvoir, il trouve que la voie à toutes les usurpations est ouverte. Qu'il veille quelque temps à ce que tous les intérêts matériels prospèrent, on le tiendra aisément quitte du reste. Qu'il garantisse surtout le bon ordre. Les hommes qui ont la passion des jouissances matérielles découvrent d'ordinaire comment les agitations de la liberté troublent le bien-être, avant que d'apercevoir comment la liberté sert à se le procurer ; et, au moindre bruit des passions politiques qui pénètrent au milieu des petites jouissances de leur vie privée, ils s'éveillent et s'inquiètent ; pendant longtemps la peur de l'anarchie les tient sans cesse en suspens et toujours prêts à se jeter hors de la liberté au premier désordre.

« Je conviendrai sans peine que la paix publique est un grand bien ; mais je ne veux pas oublier cependant que c'est à travers le bon ordre que tous les peuples sont arrivés à la tyrannie. Il ne s'ensuit pas assurément que les peuples doivent mépriser la paix publique ; mais il ne faut pas qu'elle leur suffise. Une nation qui ne demande à son gouvernement que le maintien de l'ordre est déjà esclave au fond du c?ur ; elle est esclave de son bien-être, et l'homme qui doit l'enchaîner peut paraître. (?)

« Il n'est pas rare de voir alors sur la vaste scène du monde, ainsi que sur nos théâtres, une multitude représentée par quelques hommes. Ceux-ci parlent seuls au nom d'une foule absente ou inattentive ; seuls ils agissent au milieu de l'immobilité universelle ; ils disposent, suivant leur caprice, de toutes choses, ils changent les lois et tyrannisent à leur gré les m?urs ; et l'on s'étonne en voyant le petit nombre de faibles et d'indignes mains dans lesquelles peut tomber un grand peuple?

« Le naturel du pouvoir absolu, dans les siècles démocratiques, n'est ni cruel ni sauvage, mais il est minutieux et tracassier. »

Alexis de Tocqueville

Extrait de De la Démocratie en Amérique, Livre II, 1840 (10/18, 1963).