Inversion de la hiérarchie des normes : un danger pour les TPE-PME

L’un des points clés de la réforme du droit du travail est ce que l’on dénomme communément « inversion de la hiérarchie des normes ». Cela signifie que l’accord d’entreprise l’emporterait sur la convention collective ou l’accord de branche dans de nombreux domaines : organisation du travail, horaires, voire rémunérations et conditions de licenciement.

Il est très difficile d’y voir clair tant certains thuriféraires de cette réforme, autant que certains jusqu’au bout-istes prétendument insoumis nous prédisent le pire si la situation reste en l’état ou si cette réforme voit le jour. A noter que vraisemblablement, très peu d’entre eux n’ont durablement travaillé dans une entreprise privée.

Certains grands groupes multinationaux sont, de par leur volume d’affaire et leurs effectifs, bien plus importants que certaines branches. Et ils disposent en leurs sein des compétences juridiques et d’Institutions Représentatives du Personnel permettant au dialogue social d’y exister efficacement. Aussi n’est-il pas incongru de leur laisser une certaine marge de manœuvre en la matière, tant que le principe l’égalité de notre constitution n’est pas bafoué.

L’hypothèse s’une primauté donnée à l’accord d’entreprise en TPE/PME appelle en revanche trois commentaires :

  1. En premier, un problème de faisabilité : un parton de TPE/PME est très opérationnel au quotidien, il est au contact permanent de ses collaborateurs, il a d’autres priorités que de s’embarquer dans une négociation sociale spécifique. De plus, il n’en a pas toujours les compétences en matière juridique et s’il doit s’entourer d’avocats pour entreprendre de telles négociations, cela va représenter un coût non négligeable. Risque de s’en suivre des pertes de temps pour des résultats susceptibles d’exposer négativement l’entreprise.
  2. En deuxième, une telle inversion entrainerait en TPE/PME un certain déséquilibre du rapport de forces entre le patronat et les employés, avec les craintes ou les risques de pression et de chantage que l’on imagine, et les risques délétères en matière de qualité de vie professionnelle et de burnout. Ce ne serait bon ni pour le moral, ni pour les performances.
  3. En troisième cette disposition entraînerait nécessairement à terme des disparités sociales d’une entreprise à l’autre, distordant la concurrence et créant le contexte pour des pressions des donneurs d’ordres à plus de dumping social.

A noter enfin qu’une récente étude de l’INSEE a montré que le code du travail n’est pas le principal « frein à l’embauche ». « Les embauches sont freinées par l’incertitude sur la situation économique (barrière citée par 28% des entreprises), la difficulté à trouver de la main d’oeuvre compétente (27% des entreprises), un coût de l’emploi jugé trop élevé (23% des entreprises) et par la réglementation du marché de l’emploi (18% des entreprises) », indiquent les auteurs de la note.

Donc attention, danger, halte au dogmatisme, place au pragmatisme !

Il convient pour autant de permettre aux normes sociales d’évoluer intelligemment :

  • Par une gouvernance offrant plus de place à l’actionnariat salarié et à la participation des salariés au sein des instances CA, Conseil de Surveillance, Conseil de rémunérations…
  • Par une rationalisation et un regroupement des seuils sociaux, en en réduisant le nombre et en dédramatisant les effets de franchissement ;
  • Par une possibilité de recours raisonnable au forfait jours favorisant l’autonomie des salariés tout en protégeant leur charge de travail ;
  • Par un renforcement du pilotage managérial intégrant des conditions préalables non abusives d’éventuel licenciement.

Interdiction d’employer un proche comme assistant parlementaire : une réponse démagogique et inefficace à des abus inadmissibles.

Ces derniers temps, le grand public a découvert avec stupeur que certains parlementaires avaient employé leur épouse ou leurs enfants entant qu’assistants, et que certains de ces emplois seraient fictifs.

On a aussi découvert que d’autres parlementaires employaient ou avaient employé en tant qu’assistants des individus exerçant en fait des fonctions de permanent au sein de leur parti politique. Deuxième série de soupçons d’emplois fictifs.

 

Quel est le point commun entre ces deux abus ? la parentalité ou la non-réalité, la fiction de l’emploi ?

Pour éviter ces abus, que veulent proposer le ministre de la justice et le nouveau président ? Interdire l’emploi de proches (conjoint, concubin, enfant…) comme assistants parlementaires.

Réponse spectaculaire et démagogique, autant qu’injuste, potentiellement contournable et inefficace. Pourquoi ne pas carrément imposer le célibat aux parlementaires et leur interdire de procréer ou de prendre amants/maîtresses ? Ainsi, plus de risque de conflit de nature familiale.

Soyons sérieux. Ces abus proviennent depuis des décennies d’une situation de laxisme, de gabegie et d’incompétence que seul l’État peut s’autoriser, et qu’on ne rencontrerait jamais en entreprise.

La vie de parlementaire est exigeante et très exposée, nul ne le conteste. Un député ou un sénateur partage son temps entre les palais parisiens et sa circonscription / son département (qui souvent inclut la ville dont il est maire, mais dorénavant cela est terminé avec la fin du cumul des mandats). Lorsqu’il n’est pas élu d’Ile de France, cela signifie qu’il partage sa vie entre Paris et la Province. C’est le cas de nombreux travailleurs du privé mais ce n’est pas pour autant agréable. Donc au final, il est dommage de priver un parlementaire d’une possible collaboration avec son conjoint et d’introduire ainsi une discrimination au recrutement. Est-ce constitutionnel d’ailleurs, en regard des principes d’égalité et de droit au travail ?

Mais le fond du sujet n’est pas là. Parlementaire et assistants sont des travailleurs comme les autres et à ce titre :

  • D’une part ils doivent justifier leurs dépenses en en conservant les justificatifs, comme tout travailleur et tout chef d’entreprise.
  • D’autre part les emplois d’assistants doivent être encadrés, par une convention collective explicitant niveaux de compétences et de rémunérations, par un contrat de travail stipulant missions à remplir, salaire annuel, horaires à respecter etc.

Et enfin comme bon nombre de travailleurs dans les usines, les bureaux d’études, les agences bancaires, les services informatiques etc. l’assistant doit être assujetti à un encadrement du temps de travail. Cela peut se matérialiser par un reporting mensuel via un intranet ou par un système de badge informatisé permettant de tracer les entrées/sorties de l’assistant et d’attester ainsi mois après mois de sa présence, de la réalité du travail accompli et de la quantité d’heures ou de jours qui y a été consacrée. Fin de la fiction.

En résumé, laissons les parlementaires embaucher qui ils veulent comme assistants, mais donnons au système les moyens de tracer la réalité des emplois confiés.

 

 

Barémisation des indemnités pour licenciement abusif : une solution facile et injuste en réponse à un faux problème.

La perspective de dommages et intérêts importants accordés à un salarié licencié par le tribunal des prud’hommes constitue pour une TPE ou un PME un risque financier conséquent. Ce risque serait de nature à freiner l’embauche. Le prétexte invoqué par le gouvernement pour cette barémisation est une limitation de ce risque financier.

On en vient à traiter par cette barémisation l’ultime conséquence d’une séparation qui, si elle avait été correctement conduite, ne se serait pas dégradée à un tel point.

Que se passe-t-il dans la réalité ?

Prenons un cas usuel : Un collaborateur est installé dans son travail. Avec le temps parfois, et quelles qu’en soient les raisons, sa performance se dégrade, les dérives (retards, absences, manquements, négligences, incivilités, conflits …) deviennent de plus en plus fréquentes et la situation commence à se dégrader. Arrive le moment où le dirigeant décide que cela suffit et qu’il faut que cette personne quitte l’entreprise.

Faute de parvenir à s’accorder sur une séparation amiable via une rupture conventionnelle, le chef d’entreprise licencie alors son employé, plus ou moins adroitement et plus ou moins brutalement. L’exemple usuel est celui d’une faute, lourde ou grave, invoquée ou inventée pour procéder sans ménagement au licenciement.

Le salarié congédié décide ensuite d’attaquer son employeur aux prud’hommes pour licenciement abusif. Il arrive que les prud’hommes requalifient le licenciement « sans cause réelle et sérieuse » et accordent à l’employé une indemnisation compensatrice conséquente.

Bien sûr, il est des salariés qui profitent de leur situation et abusent d’un comportement inacceptable, mais ceux-là donnent suite en général à une proposition de rupture conventionnelle.

 

Est-il pour autant nécessaire de plafonner ces indemnités ?

La responsabilité d’une situation devenue délétère en revient à l’employeur. En effet lorsqu’on recrute un collaborateur, on s’engage à :

  • Lui fournir un travail
  • Lui verser un salaire
  • Le former

Mais ce n’est pas tout. Le devoir d’un employeur, c’est aussi de manager ses collaborateurs.

Et c’est souvent ici que le bât blesse. Prétextant un manque de temps, une charge opérationnelle élevée ou d’usuelles « tracasseries administratives », trop de petits patrons voire de prétendus « managers » … négligent le management.

Ou plus exactement, faute de repères ou de compétences, ils ne savent pas trop comment s’y prendre. La proximité et la convivialité, réelles en TPE-PME, occultent la nécessité d’un pilotage formel et régulier de tous les collaborateurs.

 

Comment organiser le pilotage des collaborateurs ?

En synthèse, un pilotage équilibré porte sur les performances autant que sur les compétences et les comportements, et alterne séquences collectives et temps individuels.

Parmi les séquences collectives, nous trouverons la traditionnelle réunion plénière de fin ou de début d’année, les réunions régulières de service (hebdomadaires, mensuelles ou bi/trimestrielles selon les contextes), et des réunions ponctuelles de lancement de nouvelles activités ou de gestion de crise…

Premier élément de pilotage : certains temps de ces séquences devront porter sur des éléments de cadrage réglementaire ou comportemental : horaires, port des EPI, respect de normes techniques, courtoisie etc.

Parmi les temps individuels figureront :

  • L’entretien professionnel (rendu obligatoire par la loi du 5 mars 2014), biennal ou en des circonstances précises (retour de maladie etc.),
  • L’entretien annuel d’évaluation, facultatif dans le cas général, obligatoire pour chaque salarié soumis au forfait-jours. Deuxième élément de pilotage : dans sa partie consacrée au passé, cet entretien doit impérativement porter non seulement sur les résultats mais aussi sur les écarts constatés entre ce qui était attendu et ce qui s’est passé. Troisième élément de pilotage, dans sa partie consacrée à l’année qui vient, cet entretien doit détailler de façon explicite les « exigences » de son manager, à savoir comment il contribue à la bonne marche des affaires et ce qui est attendu de lui en matière de comportement, d’évolution de compétences etc.
  • Des entretiens et autres points bilatéraux plus ou moins planifiés et réguliers.
  • Des entretiens non-planifiables résultant de nécessités de service (affectation à une nouvelle tâche, retour de formation …) ou de circonstances exceptionnelles (félicitations, recadrage, crise, conflit, « coup de mou » …)

C’est l’absence de ces deux derniers types d’entretien, la maladresse ou la négligence avec laquelle ils sont conduits, qui engendre les situations délétères évoquées plus haut et qui sont susceptibles de mener à un licenciement conflictuel, faute de savoir procéder autrement. C’est souvent le manque de compétence, ou le manque de courage, ou les deux, qui font qu’un entretien de recadrage n’est pas mené et qu’on laisse ainsi la situation s’envenimer.

 

Il manque dans cette palette un type d’entretien, un quatrième élément de pilotage, parfois appelé entretien séquentiel de pilotage. Pour faire simple, il s’agit d’un « mini entretien annuel », « plusieurs fois par an » ! Cet entretien peut se dérouler tous les 3 à 4 mois. Il est d’autant plus justifié que dans la conjoncture actuelle, circonstances économiques et priorités peuvent changer en un année. Cet entretien porte sur les travaux accomplis, les difficultés rencontrées, les résultats obtenus, les comportements affichés, les nouvelles priorités le cas échéant. Il doit faire l’objet d’un compte rendu écrit stipulant les points positifs et négatifs. Parmi ces derniers doivent figurer des alertes, recadrages ou avertissements constitutifs si nécessaire, le moment venu, d’un dossier de licenciement ainsi étayé en bonne et due forme. Un tel licenciement ne court quasiment aucun risque d’être requalifié comme abusif.

 

En conclusion, pour réduire le risque de dommages et intérêts en compensation d’un licenciement abusif, il faut avant tout éviter de créer des conditions abusives de licenciement. Pour cela il convient tout d’abord d’éviter que la situation se dégrade insidieusement, en identifiant les écarts et en exprimant d’éventuelles mises en garde par un pilotage précis et régulier des collaborateurs.

Qui plus est, un pilotage régulier ne peut qu’accroître le niveau de motivation et de performance des collaborateurs, ce qui ne peut être que bénéfique pour l’entreprise.

La mesure efficace et novatrice serait donc de rendre obligatoire l’entretien séquentiel de pilotage.

Il serait dommageable et contre-productif d’encourager un certain laxisme et de permettre à des entrepreneurs s’affranchir de leur devoir de management en instituant cette garantie d’une indemnisation plafonnée en cas de licenciement abusif.

NB : Dans ma vie professionnelle, j’ai toujours consacré un temps notoire à ce pilotage. J’ai eu à me séparer d’un certain nombre de salariés, sans jamais perdre aux prud’hommes.

Et qu’on ne vienne pas nous dire que mener de tels entretiens est chronophage, que c’est une tracasserie de plus ou que je ne sais quoi. Un patron, petit ou grand, un manager qui n’a pas le temps de passer une heure trois ou quatre fois par an avec chacun de ses n-1 ne mérite ni son poste, ni son statut. Qu’il redevienne alors simple salarié ou qu’il s’installe en indépendant.

La Vague : comment le quinquennat Hollande a sabordé le PS


Historiquement, il y a depuis les années 1920 deux tendances socialistes, celle de Jules Guesde et celle de Jean Jaurès, la première étant plus « radicale » que la seconde. La première fut incarnée par Chevènement, Mélenchon, Aubry, Montebourg, Hamon. La deuxième par Delors, DSK, Rocard, Hollande, Macron. On a retrouvé cette opposition idéologique lors de chaque congrès du PS puis lors des primaires en 2011 comme en 2017.

La victoire de Hollande à la primaire de 2011, puis à l’élection présidentielle de 2012, s’est jouée sur une contradiction et sur un compromis.

  • Une contradiction car les prétendants à la primaire étaient tenus au respect d’un programme socle concocté par le PS de l’époque, dirigé par Martine Aubry.
  • Un compromis car Montebourg a choisi de soutenir Hollande plutôt qu’Aubry au deuxième tour de la primaire, estimant que cette dernière ne serait pas en mesure de battre Sarkozy.

D’où la victoire de Hollande, acquise sur l’ambiguïté idéologique d’un projet sur lequel ses propres convictions n’étaient pas alignées. Ses renoncements futurs devenaient alors quasiment inéluctables.

C’est ce que qui a inspiré en 2013/2014 ce « tournant libéral » ayant maintenu une certaine austérité budgétaire, ayant privilégié une politique de l’offre pour aboutir en 2016 à une évolution libérale du code du travail. Hollande avait parfaitement le droit de vouloir demeurer fidèle à ses convictions profondes mais pour légitimer ce revirement il aurait pu, il aurait dû sans doute :

  • L’annoncer clairement 12/18 mois après son accession au pouvoir, arguant du contexte économique de l’époque, de la situation laissée par Sarkozy et des contraintes imposées par l’Union Européenne ;
  • Le légitimer pleinement en dissolvant l’Assemblée Nationale et en demandant aux Français de se prononcer.

Il a choisi de ne pas le faire car fin 2013, après un an et demi de politique fiscale erratique menée par Ayrault et Moscovici, il savait pertinemment que la défaite aurait été cinglante.

Ensuite, il y a eu chez les socialistes durant le reste du quinquennat deux puis quatre attitudes.

D’une part, les légitimistes, ceux qui estiment qu’un parti et que ses militants doivent, par devoir, soutenir ses dirigeants et ses élus. Ceux-ci, vaillamment ont défendu les positions du gouvernement quelles qu’elles soient. A noter qu’il en est parmi eux qui se reconnaissent dans la gauche socio-libérale et qui se trouvaient donc idéologiquement confortés par cette posture.

D’autre part, les « loyalistes », ceux qui s’estimaient, en regard d’eux-mêmes comme des électeurs de gauche, obligés par le programme sur lequel avait été élu François Hollande (discours du budget, 60 engagement, programme socialiste aux législatives). Ceux-là sont devenus « frondeurs » après les municipales de 2014 lorsqu’il est apparu que le nouveau gouvernement Valls adhérait pleinement à la politique austéritaire et libérale voulue par le Président (conseillé et conforté dans cette voie par Macron).

A partir de 2015/2016. Ces deux courants se sont à nouveau scindés :

  1. Certains « socio-libéraux » trouvant que le gouvernement n’en faisait pas assez, ont quitté le PS pour rejoindre En Marche : cela les a conduits à une victoire éclatante, au-delà peut-être de leurs propres espérances.
  2. D’autres « socio-libéraux » sont restés au PS, par devoir militant, par discipline gouvernementale ou par calcul électoraliste. Qu’ils aient fait loyalement campagne pour Hamon ou qu’ils soient restés silencieux, cela les a conduits à l’échec.
  3. La plupart des « frondeurs » a tenté jusqu’au bout d’infléchir la politique du gouvernement, de réformer le PS de l’intérieur, a réitéré et médiatisé sa loyauté au programme de 2012, en a fait sa stratégie électorale pour 2017 et pour l’après-Hollande. Ils ont fait campagne pour Hamon, cela les a conduits au même échec que les loyalistes, la plupart des électeurs ne faisant pas la différence entre ces deux tendances du PS. J’en ai fait partie pour avoir soutenu depuis 2003 les initiatives réformatrices et innovantes de Montebourg, j’assume pleinement tant mes choix que ma modeste part de responsabilité.
  4. Les plus démotivés des frondeurs ont quitté le PS pour rejoindre Mélenchon : ils en retirent une illusion de quasi-victoire.

On a observé un phénomène similaire à droite, les querelles d’ego et les magouilles Copé-Fillon puis Fillon en solo occultant les questions idéologiques. A noter toutefois que certains, sous l’impulsion de LeMaire/NKM/Solère, tentent de faire émerger une droite plus progressiste que la droite dure proche de Sens Commun et du FN. Ils sont dans leur parti comparables aux socio-libéraux du PS et à ce titre se rapprochent d’En Marche.

Pendant tout ce temps, le Parti Socialiste en tant qu’institution nationale a été muet, inerte, indigne. A aucun moment ses premiers secrétaires, Désir ou Cambadélis, n’ont rappelé le gouvernement ou le Président à ses engagements. Tout juste ont-ils été capables de déclarations mi-chèvre mi-chou, de tout petits coups de menton ou de discours compassés pour se donner le sentiment d’exister encore un peu. Martine Aubry a laissé penser un temps qu’une réaction était envisageable, avant de renoncer et de se rallier à la majorité gouvernementale lors du congrès de 2015. La direction nationale n’a même pas été capable de produire un projet électoral pour 2017, et s’est fait longuement tirer les oreilles par ses militants pour organiser une élection primaire à laquelle ses statuts l’obligeaient pourtant. Sourd aux alertes venant du terrain depuis 2013, laissant ses fédérations à leurs petites manœuvres locales, impuissant face à quatre cuisantes défaites électorales en 2014/2015, dépourvu de projet, le PS s’est regardé sombrer.

En synthèse, socialistes légitimistes et loyalistes (frondeurs) ont fait la même erreur stratégique, celle de soutenir ou de s’opposer via le PS, ses structures, ses courants, ses motions et ses alliances avec des partis historiquement partenaires : PRG, UDE, EELV. Par conformisme ou par attachement à leur parti, ils n’ont été capables ni d’en dépasser le cadre, ni de le réformer en profondeur. Tous ont été emportés par une même vague dimanche dernier.

 

D’autres, fatalistes, visionnaires, courageux ou opportunistes se sont émancipés du PS pour partir chez Mélenchon ou chez Macron. Et ce sont au final ceux qui ont rejoint ce dernier qui ont tiré les marrons du feu.

 

Pour n’avoir pas soutenu dans la 9° circonscription des Hauts-de-Seine une candidate partenaire isséenne UDE désignée par le Parti Socialiste, j’en suis, aux termes d’une lettre publiée par Cambadelis le 31 mai dernier, « réputé démissionnaire ». Ce verdict ne faisant que d’anticiper ma décision, je l’accepte et confirme ma démission.

Je ne me reconnais pas dans le radicalisme idéologique et dans le sectarisme de Mélenchon. Tant la vocifération que la sortie de l’Union Economique ne s’inscrivent ni dans mes valeurs, ni dans mes convictions.

Les dés étant jetés, on ne peut que souhaiter la réussite de Macron et de sa majorité, mais je ne me sens pas enclins pour autant à rejoindre En Marche. La réforme du code du travail est nécessaire mais elle devra être très finement menée pour réussir. En tant qu’entrepreneur je m’y intéresse au premier chef, tout en ayant déjà signalé par exemple les multiples dangers de la négociation d’accords d’entreprises en TPE-PME ou de la barémisation des indemnités pour licenciement abusif. Sur ce point, les déclarations de la ministre du travail traduisent une réelle maîtrise du sujet et sont encourageantes.

Le recours aux ordonnances ne me chaque pas outre-mesure. On a reproché au président sortant de n’avoir pas appliqué ses promesses, on ne peut en vouloir au nouveau de chercher à mettre en œuvre les siennes rapidement. Tout dépendra du fond et du niveau de consensus social obtenu.

La relance par l’investissement productif, la résorption du chômage et de la précarité, la moralisation de la vie publique, la lutte contre l’évasion fiscale, l’intégration des jeunes dans la vie active et une moindre austérité notamment à l’hôpital sont à mon sens les sujets prioritaires et concomitants à la nouvelle loi travail afin de crédibiliser l’ensemble des premières réformes.

 

Entre LFI et EM, existe-t-il encore une nécessité et subsiste-t-il encore un espace politique alternatif, pour un mouvement économiquement innovant, socialement responsable, écologiquement raisonnable, pro-européen, positionnant l’Etat à une place équilibrant interventionnisme, sécurité, libertés, et capable de réguler les excès du capitalisme financier ? C’est ce que n’a pu bâtir Montebourg, c’est ce que veut tenter Hamon, nous verrons.