Matraquages « à la française »
L'année commence par les traditionnelles cérémonies des v?ux. Une première : certaines d'entre elles sont boycottées par des syndicats (CGT, enseignants) furieux d'être traités comme moins que rien. Journalistes et ambassadeur sont conviés à un improbable barnum intitulé « conférence de presse » où seules certaines questions sont admises.
Premier rideau de fumée de l'année, la réforme consistant à introduire des jurés populaires dans les tribunaux correctionnels est loin de faire l'unanimité : problèmes de financement, d'organisation mais surtout stigmatisation implicite des magistrats et des avocats en sont les principales critiques. « Une pulsion présidentielle », commente un grand avocat.
Dramatique prise d'otages au Niger, dans laquelle périssent deux jeunes français. On apprend à cette occasion que la France a changé d'attitude, a décidé la fermeté, ne négocie plus. Aurait-on ainsi laissé libre cours à des James Bond amateurs en mal de coup d'éclat pour attaquer le convoi des terroristes ? Eclat et amateurisme, ces deux traits navrants et récurrents du sarkozysme?
Eclat et amateurisme encore : les deux nouvelles « stars » de l'UMP, son Président JF Copé et le Président du groupe parlementaire à l'Assemblée Christian Jacob, en bons libéraux agitateurs besogneux, tentent de relancer le débat sur les 35h et sur l'emploi à vie des fonctionnaires mais se font vite retoquer par le Premier Ministre lui-même.
Eclat et amateurisme toujours, et coup dur symbolique : la radiation de l'Officier de Gendarmerie Matelly, également chercheur au CNRS, radiation décrétée par le Chef de l'Etat en 2010, est annulée par le Conseil d'Etat.
Emeutes en Tunisie. Le mercredi 12 Janvier, à l'Assemblée Nationale, la Ministre des affaires étrangères propose, « le savoir-faire français » à la police tunisienne pour « régler les situations sécuritaires » (= taper sans laisser de traces ?). Deux jours plus tard, le Président Ben Ali dégage, chassé par la rue après 30 ans de règne sans partage, de corruption, de népotisme et d'abus de bien public. La diplomatie française passe complètement à côté de la plaque.
Rappelons que sans son discours d'investiture à la candidature en Janvier 2007, Nicolas Sarkozy se voyait «Président de la France des Droits de l’homme». Il promettait de ne pas oublier « ses valeurs pour gagner des contrats», et il affirmait qu'il ne croyait pas à la Realpolitik.
4 ans plus tard : «Je revendique une certaine réserve lorsqu’il s’agit de commenter les évènements de pays qui ont été la France et qui ne le sont plus »
Empêtré dans autant de contradictions, le Président nous honore de l'une de ses figures préférées : la référence à un cas similaire. Cette fois-ci ce n'est pas outre-Rhin qu'il va chercher le salut, mais en Côte d'Ivoire :
« après tout ce qu'on m'a dit lorsque j'ai demandé en décembre dernier au Président Gbagbo de quitter la Présidence ? »
Sauf que précisément, personne ne lui avait rien reproché lorsqu'il a formulé cette exigence !
Et qu'en est-il de l'Union de la Méditerranée, lancée à grand bruit en 2008 ?
Réductions de postes annoncées dans l'éducation nationale : passage de 24 à 30 élèves par classes dans le Val de Marne ; 493 postes supprimés à la rentrée 2011 dans l'Académie de Versailles, 122 dans les Hauts-de-Seine, remise en cause sans précédent de l’éducation prioritaire (les collèges en REP/ZEP passeront de 38 à 5 dans les Hauts-de-Seine) et remise en question des décharges de directeurs dans les Réseaux de Réussite Scolaire.
Rappelons que pour le Président, l'enseignement est une dépense et non un investissement, comme il l'avait si doctement déclaré lors d'une émission de TV. Dans le même temps, des primes de 22000 ? sont promises aux recteurs qui tiendront leurs objectifs de réduction des coûts. N'en pouvant plus, un Proviseur Honoraire du Nord de la France renvoie ses palmes académiques.
Rififi dans les Hauts-de-Seine : tombé en disgrâce à l'Elysée pour avoir parlé de « nettoyer les Ecuries d'Augias », le Président du Conseil Général Patrick Devedjian apprend que Mme Isabelle Balkany entend lui ravir son siège à la faveur des élections cantonales de Mars prochain. La gauche est en embuscade : Anne-Eugénie, Chloé, Rachid et les autres, nous sommes avec vous !
Grand cirque du G20-G8 : D'un coup, il n'y a pas plus Keynésien et régulateur que Sarkozy, il est sur tout les fronts, c'est lui le Chef du Monde : J'ai vu Mâme Maerkel et lui ai de mandé de bla bla bla, j'ai parlé de bla bla bla à Obama, j'ai dit à David Cameron que bla bla bla, Dmitri Medvedev m'a bien confirmé que bla bla bla.
Le G Vain, selon Bernanrd Attali. Le discours est impeccable, même Rocard le dit. Qu'en est-il des actes ? Rappelons que nous attendons a minima :
- La taxation des transactions financières
- La suppression des paradis fiscaux
- Le strict encadrement des Hedge Funds
- L'indépendance des agences de notation
Visite en catimini du Président au Premier Cercle des donateurs UMP, réunis Porte Maillot : plus aucun doute sur sa candidature à la réélection en 2012, et en prime le Président y interprète ses meilleurs tubes : autosatisfaction sur les réformes, haro sur les 35 heures réaffirmation que l'ISF est un scandale, etc.
Eclat et amateurisme enfin, et dernier coup dur du mois : Le 28 janvier, le conseil des prud’hommes condamne Radio France, pour le licenciement « sans cause réelle et sérieuse » du chroniqueur Stéphane Guillon. Cela confirme le caractère arbitraire de ce licenciement, voulu par des dirigeants au passé pourtant ô combien estimable, mais qui se doivent maintenant de ne pas déplaire l'Elysée.