Chronique de la rupture #60 ? décembre 2009

 

En cette  fin d'année, le nauséabond débat sur l'identité national est bien installé dans son statut de déversoir de la haine ordinaire. Quelques sous-beaufs de service se répandent en propos directement issus des WC du premier café du commerce venu.


Etre français est-ce que c’est devoir parler français, chanter la Marseillaise, lire la lettre de Guy Môquet? Non, ça, c’est être con! »  résume parfaitement Eric Cantona.

 

On peut signer une pétition demandant la suppression du ministère de l'identité nationale et de l'immigration ici : http://appel.epetitions.net/

 

Sarko espère pouvoir jouer les Zorro au sommet de Copenhague, mais Obama annonce qu'il sera finalement présent lors de journées de clôture pour lui ravir la vedette.

 

Donc ne reste plus qu'à faire le malin dans les dîners en ville. Ici il rassemble les donateurs du premier cercle de l'UMP, à savoir ceux qui cotisent au-delà de 3000 ? par an, et il leur promet bien évidemment de ne pas toucher au bouclier fiscal. Là il se gausse d'être le DRH du PS. « Eh bouffon, au PS tu ne tiendrais pas 5 minutes, tes « camarades » auraient vite fait de te dézinguer », rétorque une voix dans le lointain.

 

Tout à son ?uvre de se venger de ces études supérieures et ces grandes écoles qui lui ont si obstinément tourné le dos, le Président tente d'affaiblir les filières scientifiques en supprimant l'Histoire-Géo des programmes de Terminales S. Comme d'habitude, aucune concertation, tollé.

 

Sur ce sort le clip lipdub des « jeunes populaires », dans lequel Rachida, Valérie et les autres, tous bourrelets dehors, tentent de ravir la vedette à Mireille Matthieu. Voilà donc à quoi le gouvernement passe son temps pendant que se creusent les déficits, que se détruisent les emplois, que se délite le système hospitalier, que s'appauvrit l'Education Nationale et que les SDF s'accumulent sur les trottoirs. Grotesque, pitoyable, ridicule, puéril, nul, indécent. Amateur en plus comme d'habitude, puisqu'ils n'ont même pas été capable de régler correctement la question des droits d'auteurs sur la fameuse chanson.

 

Dans la même veine, notons ce clip de l'UMP pour les régionales, vantant la France « modèle » à grands coups d'images made in USA. « Le retour de Sarko l'américain », à moins que ce ne soit une fois encore « Les non-pros vous saluent  » ?

 

Jouez hautbois, résonnez musettes, le grand emprunt est arrivé ! Rappelons tout d'abord que son montant 35 Milliards d'Euros, est équivalent au manque à gagner d'un peu plus de deux années de loi TEPA. C'est historique bla bla bla, jamais l'état n'a autant investit dans les universités bla bla bla, se complait la versaillaise ministre-candidate-aux-régionales Valérie Pécresse.

 

« C'est une dotation en capital, qu'elles devront faire fructifier » déclare-t-elle en substance sur France Inter peu de temps avant Noël. Tiens donc, faire fructifier ? Mais comment ? A l'américaine, en faisant payer les étudiants 30 à 50000 $ par an ? ou bien encore en les privatisant dans quelques années ? A suivre?

 

Très belle gaffe d’un sénateur centriste qui se trompe de bouton et fait capoter pour un temps la loi sur le redécoupage électoral.

 

Ridicule gaffe de Rachida au Parlement Européen, surprise par une chaine de télé alors qu’elle confesse son ennui à l’une de ses amies.

 

Grosse gaffe bien blague-blanc-beauf de la gloussante Morano : « Moi, ce que je veux du jeune musulman, quand il est français, c’est qu’il aime son pays, c’est qu’il trouve un travail, c’est qu’il ne parle pas le verlan, qu’il ne mette pas sa casquette à l’envers ».

 

Le clip, les gaffes, on finirait presque par le plaindre notre pauvre Président, d’être entouré d’une telle bande de bras cassés. M’enfin bon, on n’a l’entourage qu’on mérite…

 

C'est alors que ressort cette terrible histoire de l'attentat de Karachi, dans laquelle le duo Balladur-Sarkozy se retrouve au centre de la tourmente, attaqué pour corruption par six  familles de victimes.

 

http://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/karachi-balladur-sarkozy-la-66802

 

Et pour finir en beauté cette année 2009, le conseil constitutionnel retoque la loi sur la Taxe Carbone « contraire à l’objectif de lutte contre le réchauffement climatique et créant une rupture de l’égalité devant l’impôt.», tant les lobbies industriels l'avaient dénaturée.

 

Amateurisme à son comble, ou suprême perversité d'un régime qui ne voulait finalement pas de cette taxe ?

 

Joyeuses fêtes à tous !

Monsieur le Président, devenez camusien !, par Michel Onfray

Monsieur le Président, je vous fais une lettre, que vous lirez peut-être, si vous avez le temps. Vous venez de manifester votre désir d’accueillir les cendres d’Albert Camus au Panthéon, ce temple de la République au fronton duquel, chacun le sait, se trouvent inscrites ces paroles : « Aux grands hommes, la patrie reconnaissante ». Comment vous donner tort puisque, de fait, Camus fut un grand homme dans sa vie et dans son oeuvre et qu’une reconnaissance venue de la patrie honorerait la mémoire de ce boursier de l’éducation nationale susceptible de devenir modèle dans un monde désormais sans modèles.

De fait, pendant sa trop courte vie, il a traversé l’histoire sans jamais commettre d’erreurs : il n’a jamais, bien sûr, commis celle d’une proximité intellectuelle avec Vichy. Mieux : désireux de s’engager pour combattre l’occupant, mais refusé deux fois pour raisons de santé, il s’est tout de même illustré dans la Résistance, ce qui ne fut pas le cas de tous ses compagnons philosophes. De même, il ne fut pas non plus de ceux qui critiquaient la liberté à l’Ouest pour l’estimer totale à l’Est : il ne se commit jamais avec les régimes soviétiques ou avec le maoïsme.

Camus fut l’opposant de toutes les terreurs, de toutes les peines de mort, de tous les assassinats politiques, de tous les totalitarismes, et ne fit pas exception pour justifier les guillotines, les meurtres, ou les camps qui auraient servi ses idées. Pour cela, il fut bien un grand homme quand tant d’autres se révélèrent si petits.

Mais, Monsieur le Président, comment justifierez-vous alors votre passion pour cet homme qui, le jour du discours de Suède, a tenu à le dédier à Louis Germain, l’instituteur qui lui permit de sortir de la pauvreté et de la misère de son milieu d’origine en devenant, par la culture, les livres, l’école, le savoir, celui que l’Académie suédoise honorait ce jour du prix Nobel ? Car, je vous le rappelle, vous avez dit le 20 décembre 2007, au palais du Latran : « Dans la transmission des valeurs et dans l’apprentissage de la différence entre le bien et le mal, l’instituteur ne pourra jamais remplacer le curé. » Dès lors, c’est à La Princesse de Clèves que Camus doit d’être devenu Camus, et non à la Bible.

De même, comment justifierez-vous, Monsieur le Président, vous qui incarnez la nation, que vous puissiez ostensiblement afficher tous les signes de l’américanophilie la plus ostensible ? Une fois votre tee-shirt de jogger affirmait que vous aimiez la police de New York, une autre fois, torse nu dans la baie d’une station balnéaire présentée comme très prisée par les milliardaires américains, vous preniez vos premières vacances de président aux Etats-Unis sous les objectifs des journalistes, ou d’autres fois encore, notamment celles au cours desquelles vous avez fait savoir à George Bush combien vous aimiez son Amérique.

Savez-vous qu’Albert Camus, souvent présenté par des hémiplégiques seulement comme un antimarxiste, était aussi, et c’est ce qui donnait son sens à tout son engagement, un antiaméricain forcené, non pas qu’il n’ait pas aimé le peuple américain, mais il a souvent dit sa détestation du capitalisme dans sa forme libérale, du triomphe de l’argent roi, de la religion consumériste, du marché faisant la loi partout, de l’impérialisme libéral imposé à la planète qui caractérise presque toujours les gouvernements américains. Est-ce le Camus que vous aimez ? Ou celui qui, dans Actuelles, demande « une vraie démocratie populaire et ouvrière », la« destruction impitoyable des trusts », le « bonheur des plus humbles d’entre nous » (?uvres complètes d’Albert Camus, Gallimard, « La Pléiade », tome II, p. 517) ?

Et puis, Monsieur le Président, comment expliquerez-vous que vous puissiez déclarer souriant devant les caméras de télévision en juillet 2008 que, « désormais, quand il y a une grève en France, plus personne ne s’en aperçoit », et, en même temps, vouloir honorer un penseur qui n’a cessé de célébrer le pouvoir syndical, la force du génie colérique ouvrier, la puissance de la revendication populaire ? Car, dans L’Homme révolté, dans lequel on a privilégié la critique du totalitarisme et du marxisme-léninisme en oubliant la partie positive – une perversion sartrienne bien ancrée dans l’inconscient collectif français… -, il y avait aussi un éloge des pensées anarchistes françaises, italiennes, espagnoles, une célébration de la Commune, et, surtout, un vibrant plaidoyer pour le « syndicalisme révolutionnaire » présenté comme une « pensée solaire » (t. III, p. 317).

Est-ce cet Albert Camus qui appelle à « une nouvelle révolte » libertaire (t. III, p. 322) que vous souhaitez faire entrer au Panthéon ? Celui qui souhaite remettre en cause la « forme de la propriété » dans Actuelles II (t. III, p. 393) ? Car ce Camus libertaire de 1952 n’est pas une exception, c’est le même Camus qui, en 1959, huit mois avant sa mort, répondant à une revue anarchiste brésilienne, Reconstruir, affirmait : « Le pouvoir rend fou celui qui le détient » (t. IV, p. 660). Voulez-vous donc honorer l’anarchiste, le libertaire, l’ami des syndicalistes révolutionnaires, le penseur politique affirmant que le pouvoir transforme en Caligula quiconque le détient ?

De même, Monsieur le Président, vous qui, depuis deux ans, avez reçu, parfois en grande pompe, des chefs d’Etat qui s’illustrent dans le meurtre, la dictature de masse, l’emprisonnement des opposants, le soutien au terrorisme international, la destruction physique de peuples minoritaires, vous qui aviez, lors de vos discours de candidat, annoncé la fin de la politique sans foi ni loi, en citant Camus d’ailleurs, comment pourrez-vous concilier votre pragmatisme insoucieux de morale avec le souci camusien de ne jamais séparer politique et morale ? En l’occurrence une morale soucieuse de principes, de vertus, de grandeur, de générosité, de fraternité, de solidarité.

Camus parlait en effet dans L’Homme révolté de la nécessité de promouvoir un « individualisme altruiste » soucieux de liberté autant que de justice. J’écris bien : « autant que ». Car, pour Camus, la liberté sans la justice, c’est la sauvagerie du plus fort, le triomphe du libéralisme, la loi des bandes, des tribus et des mafias ; la justice sans la liberté, c’est le règne des camps, des barbelés et des miradors. Disons-le autrement : la liberté sans la justice, c’est l’Amérique imposant à toute la planète le capitalisme libéral sans états d’âme ; la justice sans la liberté, c’était l’URSS faisant du camp la vérité du socialisme. Camus voulait une économie libre dans une société juste. Notre société, Monsieur le Président, celle dont vous êtes l’incarnation souveraine, n’est libre que pour les forts, elle est injuste pour les plus faibles qui incarnent aussi les plus dépourvus de liberté.

Les plus humbles, pour lesquels Camus voulait que la politique fût faite, ont nom aujourd’hui ouvriers et chômeurs, sans-papiers
et précaires, immigrés et réfugiés, sans-logis et stagiaires sans contrats, femmes dominées et minorités invisibles. Pour eux, il n’est guère question de liberté ou de justice… Ces filles et fils, frères et soeurs, descendants aujourd’hui des syndicalistes espagnols, des ouvriers venus d’Afrique du Nord, des miséreux de Kabylie, des travailleurs émigrés maghrébins jadis honorés, défendus et soutenus par Camus, ne sont guère à la fête sous votre règne. Vous êtes-vous demandé ce qu’aurait pensé Albert Camus de cette politique si peu altruiste et tellement individualiste ?

Comment allez-vous faire, Monsieur le Président, pour ne pas dire dans votre discours de réception au Panthéon, vous qui êtes allé à Gandrange dire aux ouvriers que leur usine serait sauvée, avant qu’elle ne ferme, que Camus écrivait le 13 décembre 1955 dans un article intitulé « La condition ouvrière » qu’il fallait faire« participer directement le travailleur à la gestion et à la réparation du revenu national » (t. III, p. 1059) ? Il faut la paresse des journalistes reprenant les deux plus célèbres biographes de Camus pour faire du philosophe un social-démocrate…

Car, si Camus a pu participer au jeu démocratique parlementaire de façon ponctuelle (Mendès France en 1955 pour donner en Algérie sa chance à l’intelligence contre les partisans du sang de l’armée continentale ou du sang du terrorisme nationaliste), c’était par défaut : Albert Camus n’a jamais joué la réforme contre la révolution, mais la réforme en attendant la révolution à laquelle, ces choses sont rarement dites, évidemment, il a toujours cru – pourvu qu’elle soit morale.

Comment comprendre, sinon, qu’il écrive dans L’Express, le 4 juin 1955, que l’idée de révolution, à laquelle il ne renonce pas en soi, retrouvera son sens quand elle aura cessé de soutenir le cynisme et l’opportunisme des totalitarismes du moment et qu’elle « réformera son matériel idéologique et abâtardi par un demi-siècle de compromissions et (que), pour finir, elle mettra au centre de son élan la passion irréductible de la liberté » (t. III, p. 1020) – ce qui dans L’Homme révolté prend la forme d’une opposition entre socialisme césarien, celui de Sartre, et socialisme libertaire, le sien… Or, doit-on le souligner, la critique camusienne du socialisme césarien, Monsieur le Président, n’est pas la critique de tout le socialisme, loin s’en faut ! Ce socialisme libertaire a été passé sous silence par la droite, on la comprend, mais aussi par la gauche, déjà à cette époque toute à son aspiration à l’hégémonie d’un seul.

Dès lors, Monsieur le Président de la République, vous avez raison, Albert Camus mérite le Panthéon, même si le Panthéon est loin, très loin de Tipaza – la seule tombe qu’il aurait probablement échangée contre celle de Lourmarin… Mais si vous voulez que nous puissions croire à la sincérité de votre conversion à la grandeur de Camus, à l’efficacité de son exemplarité (n’est-ce pas la fonction républicaine du Panthéon ?), il vous faudra commencer par vous.

Donnez-nous en effet l’exemple en nous montrant que, comme le Camus qui mérite le Panthéon, vous préférez les instituteurs aux prêtres pour enseigner les valeurs ; que, comme Camus, vous ne croyez pas aux valeurs du marché faisant la loi ; que, comme Camus, vous ne méprisez ni les syndicalistes, ni le syndicalisme, ni les grèves, mais qu’au contraire vous comptez sur le syndicalisme pour incarner la vérité du politique ; que, comme Camus, vous n’entendez pas mener une politique d’ordre insoucieuse de justice et de liberté ; que, comme Camus, vous destinez l’action politique à l’amélioration des conditions de vie des plus petits, des humbles, des pauvres, des démunis, des oubliés, des sans-grade, des sans-voix ; que, comme Camus, vous inscrivez votre combat dans la logique du socialisme libertaire…

A défaut, excusez-moi, Monsieur le Président de la République, mais je ne croirai, avec cette annonce d’un Camus au Panthéon, qu’à un nouveau plan de communication de vos conseillers en image. Camus ne mérite pas ça. Montrez-nous donc que votre lecture du philosophe n’aura pas été opportuniste, autrement dit, qu’elle aura produit des effets dans votre vie, donc dans la nôtre. Si vous aimez autant Camus que ça, devenez camusien. Je vous certifie, Monsieur le Président, qu’en agissant de la sorte vous vous trouveriez à l’origine d’une authentique révolution qui nous dispenserait d’en souhaiter une autre.

Veuillez croire, Monsieur le Président de la République, à mes sentiments respectueux et néanmoins libertaires.

Le grand trucage

Un collectif de statisticiens dénonce les manipulations du gouvernement

 

Une dizaine de têtes chercheuses regroupées derrière le pseudonyme de Lorraine Data publient un brûlot sur la manipulation des statistiques par le gouvernement.

 

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  • Où l’on cache le grand flop du « travailler plus pour gagner plus »

  • Où l’on escamote des chômeurs en les transférant dans une nouvelle catégorie

  • Où l’on invente une pauvreté « à la française » qui ne peut que diminuer

  • Où l’on confond l’activité des gendarmes et celle des voleurs

 

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