Comment en sommes-nous arrivés là ?

22 juin 2024, l’extrême droite vient de frôler les 40% aux élections européennes. Nous sommes à une semaine d’élections législatives anticipées qui risquent de lui permettre d’accéder au pouvoir.

Sondage ODOXA pour le Nouvel Obs – 21 juin 2024

Comment en sommes-nous arrivés là ?

Les questions de déclassement, d’insécurité, d’incivilités, de souveraineté préoccupent os concitoyens depuis maintenant des décennies. Des essayistes, des politologues (Christophe Guilluy, Jérôme Fourquet, Aquilino Morelle)  expliquent sans relâche comment la libéralisation du marché européen a engendré les délocalisations et mis en concurrence les salariés de l’ouest avec ceux de l’est.

Nous n’aurions jamais dû laisser le FN/RN occuper seul le terrain social et souverainiste. Il nous revient de nous emparer de ces sujets, de dire ce qui doit l’être même si cela heurte le passé et en particulier celui de la Gauche, qui ne peut renier ses responsabilités dans cette dégradation.

Autres sujets de préoccupations sur lesquels nous devons apporter des réponses : le dérèglement climatique, la situation internationale, la question internationale, les migrants, les atteintes à la laïcité et dans une moindre mesure, l’obsolescence de nos institutions et le discrédit de la classe politique traditionnelle (inefficacité, corruption, avantage aux plus riches).

A y regarder de plus près, on se rend compte que ces questions sont loin d’être indépendantes les unes des autres et certains thèmes, donc les deux que nous venons d’évoquer, les traversent. Prenons quelques instants pour y revenir selon trois axes :

En premier, les questions économiques et sociales : abordons-les sous l’angle de « la fin du déclassement » : la réindustrialisation, le made-in-France, la diminution du chômage, le retour à des salaires décents et à de meilleurs pouvoirs d’achat, l’énergie abordable et non polluante, le refinancement et la réimplantation de services publics et, « bénéfices collatéraux » : le remboursement de la dette et la résorption du déficit commercial. Et avec ce reclassement, la fin progressive du désœuvrement et de ses conséquences en matière d’estime de soi, de travail dégradant ou au noir, de trafics, d’incivilités et de violences.

Deuxième axe, celui de la protection et de la sécurité, qu’il nous revient de positionner comme un  « bien commun » au même titre que l’air ou l’eau. Cela nous ramène aux questions de délinquance classique, de respect de la chose et des acteurs publics mais aussi de lutte contre le trafic de drogue et contre le terrorisme et donc de défense de la laïcité et d’autres acquis culturels occidentaux : tout cela, nous pouvons l’aborder sans complexe sous l’angle de la fermeté, de la sévérité républicaine, de l’égalité et de l’autorité.

En troisième l’autorité justement. Étymologiquement le mot « autorité » vient du latin auctoritas. A Rome, l’auctoritas du Sénat traduisait le droit. Il le mettait à la portée du plus grand nombre en en facilitant la diffusion. D’où le sens double que l’on confère à l’autorité : celui de définir ce qui est légal et ce qui ne l’est pas, et qui ressort du système juridique et social ; celui d’éduquer, de faire grandir, ce qui est l’apanage des parents et de l’éducation. Et donc cela nous ramène à ce que Ségolène Royal avait su mettre en avant dans sa campagne de 2007, à savoir la cohérence et la complémentarité des diverses expressions d’autorité auxquelles sont exposés les jeunes : parents (certains avancent que le terme « autorité » est lié au verbe latin « augere », faire grandir, qui a donné le mot agriculture). Autorité parentale donc, élever, éduquer. Mais aussi à l’école, développer la connaissance et l’esprit critique et poser, en complément de l’autorité parentale, le cadre de vie en collectivité (école, université, entreprise) et en société. Poser le cadre. Et il revient ensuite aux autorités, policières ou judiciaires, de ramener dans le droit chemin, de re-cadrer. Et c’est là qu’on réalise que dans re-cadrer, il y a « re » et il y a « cadrer ». Sans cadre préalable, pas d’autorité légitime. L’autorité sans cadre préalable, c’est de l’autoritarisme et c’est, à juste titre, mal compris et mal vécu. L’autorité donc, que l’on peut définir comme une capacité à identifier un écart en regard d’un cadre (préétabli), et à y remédier rapidement. Donc cela nous ramène aux questions d’éducation et en particulier d’éducation au civisme et à la laïcité, quelles que soient l’origine et la religion de ses parents. Cette éducation doit aussi favoriser le développement de l’esprit critique, facteur de liberté, d’épanouissement, d’ouverture, en particulier en regard des media, de la publicité, de la course aux marques, des réseaux sociaux, des fake news. Bref, on privilégie l’émancipation, l’acculturation voire l’assimilation et on tente de mettre fin au nivellement par le bas (Shein, TikTok, Hanouna, téléréalité, haine en ligne…)

Ces trois sujets sont intimement liés : désindustrialisation-appauvrissement-déclassement-incivilités ; sécurité-terrorisme-laïcité ; autorité-éducation-émancipation-assimilation

Ajoutons-en deux ou trois autres pour que la fête, ou l’angoisse, soit complète, sans les développer faute de temps, mais qui s’inscrivent pleinement dans cette chaîne :

  • L’écologie, l’alimentation, la consommation, les loisirs : comment imaginer de nouveaux modes de vie sains, plaisants et non culpabilisants ?
  • La situation internationale, la place / le rôle de la France dans le monde : comment regagner en crédibilité et en efficacité en regard de la paix ?
  • La moralisation de la vie politique, les institutions (le retour de Cahuzac, les actions en justice concernant Bayrou, Dussopt, Sarkozy, Balkany, Ciotty, FN/RN entretiennent ce climat délétère) .

Face aux démarches communautaristes de certains, ou simplistes, racistes et xénophobes d’autres, Il nous incombe de proposer une offre politique qui ne nie pas les problèmes, s’attaque à leur causes systémiques et y apporte des réponses ayant des effets sur ces interdépendances et par conséquence, sur la vie de nos concitoyens.

Seule une approche, républicaine, laïque, sociale, écologique et souverainiste, assumée, déterminée, le permettra.