Comme prévisible, la révision constitutionnelle prend l’eau de tout part. A force de la vouloir consensuelle et d’en faire un fourre-tout, des réformes simples et populaires risquent d’en faire les frais alors qu’elle ne coûtent pas un Euro. C’est le cas avec le non cumul des mandats. Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ? On pouvait penser que les candidats socialistes aux Législatives de 2012 qui avaient signé un document par lequel ils s’engageaient à abandonner leur mandat exécutif local s’ils étaient élus, s’exécuteraient sans problème (plusieurs l’ont déjà fait). Que nenni. De rapides sondages auprès des nombreux élus cumulards renouvelables ont fait apparaître leur préférence pour le mandat local. En d’autres termes, s’ils étaient obligés de choisir lors des prochaines Municipales en mars 2014, ils garderaient leur mandat de maire et abandonneraient celui de député. En l’état actuel du droit, leurs suppléants à l’Assemblée Nationale ne pourraient pas les remplacer et il faudrait procéder à des élections partielles. Celles-ci pourraient se compter par dizaines (on a donné le chiffre d’une soixantaine). L’idée est alors venue à Claude Bartolone de modifier le régime des suppléants des députés avant le vote d’un texte sur le non-cumul. L’idée n’est pas saugrenue: pour éviter ce qui pourrait tourner à une élection législative à mi-mandat, le président de l’Assemblée Nationale fait de la réforme de la fonction des suppléants, un préalable; mais pour dire aussitôt qu’elle nécessiterait une modification de la Constitution. D’où la diversion: une loi serait bien votée avant cet été mais ne s’appliquerait qu’après les Municipales, plus précisément en 2016 puisqu’un an avant des élections législatives il n’y a pas lieu à élection partielle. En réalité, il est parfaitement possible de changer la règle sur les suppléants sans forfaiture ni enlisement constitutionnels. L’article 25, alinéa 3 de la Constitution est limpide: une loi organique (article 46) suffit pour cela. Autrement dit une majorité absolue des députés composant l’Assemblée (et pas seulement des présents en séance) doit voter le texte quand bien même le Sénat s’y opposerait (les sénateurs étant eux aussi concernés). Seuls des délais spécifiques plus longs que d’ordinaire, s’imposeraient (six semaines après le dépôt du texte devant l’Assemblée, quatre après sa transmission au Sénat). Mais le recours à la « procédure accélérée » pourrait les raccourcir. Il est donc parfaitement clair, dès lors que la Constitution renvoie expressément à une loi organique comme c’est le cas ici, qu’un accord entre la majorité et le gouvernement suffit pour le voir adopter. La Gauche et les socialistes en particulier ne peuvent différer encore une fois l’interdiction du cumul des mandats. Les adhérents du PS ont voté à une écrasante majorité, lors d’un référendum militant le 1° octobre 2009, puis dans une convention nationale le 3 juillet 2010, le principe et les règles détaillées du non-cumul d’un mandat de parlementaire avec un exécutif local. Les nouveaux statuts du parti adoptés le 11 octobre 2012 intègrent (art. 1.4.3) ces dispositions « y compris dans le temps, soit trois mandats consécutifs maximum ». Le rapport rendu par la commission Jospin en novembre dernier en a repris tous les dispositifs (si bien qu’on peut penser que six mois ont été perdus à y réfléchir en lieu et place des militants et des députés). La marche vers le mandat législatif unique est partie intégrante d’une restauration laborieuse de la confiance des Français dans leur système et personnel politiques. Le système est délabré. Le personnel n’en a que plus de responsabilités. Un manquement dans cette entreprise économe de moyens et populaire, ne lui serait pas pardonné.