Alors que j’ai voté en conscience la confiance au Gouvernement de Manuel Valls, le 16 septembre dernier, je me suis aujourd’hui abstenu sur la loi de finances 2015. Cette décision, difficile, est le fruit de mes convictions et d’une mûre réflexion entamée depuis plusieurs mois maintenant.
D’abord, je considère que ce projet de loi de finances est un moment de vérité car il est la traduction concrète des choix économiques du Gouvernement. Des choix que, dans l’ensemble, je ne partage pas.
Je déplore notamment l’orientation économique choisie, fondée sur une politique de l’offre exclusive et sans contrepartie, avec des aides aux entreprises (CICE) non ciblées et non conditionnées. Dans un contexte de déficits chroniques et de menace de déflation, cette politique ne permet pas sérieusement d’envisager une augmentation de la croissance ainsi qu’une réduction des déficits et du chômage. Elle est donc à la fois inefficace et injuste : une véritable double peine pour les Français.
Par ailleurs, si quelques avancées ont pu, ici ou là, être constatées notamment sur la sanctuarisation des budgets de l’éducation nationale et du volet sécurité, la modulation des allocations familiales et la suppression de la première tranche de l’impôt sur le revenu, elles ne doivent pas masquer l’absence d’une réforme plus globale de notre politique familiale et de notre système fiscal avec, par exemple, l’instauration d’une CSG progressive et, à terme, une fusion avec l’impôt sur le revenu. On bricole donc en permanence pour ne pas réformer en profondeur !
Ces avancées ne masquent pas non plus la baisse des budgets dans certains secteurs clés comme la dotation globale de fonctionnement aux collectivités locales. C’est ici tout l’investissement public local qui en sera affecté en premier lieu, notamment dans le domaine du BTP. Dans le même esprit, la recherche et l’innovation ne sont pas suffisamment encouragées. Elles sont toujours le parent pauvre de notre économie alors qu’elles préparent les Prix Nobel de demain. Je défends ainsi une augmentation du budget recherche de 500 millions d’euros et, pour plus d’efficacité des dispositifs, une fusion du CICE et du Crédit impôt recherche (CIR).
Sur tous ces sujets, je ne crois pas aux « gestes », aux « coups de pouce » et autres improvisations perpétuelles qui n’offrent pas ici une stratégie à la hauteur de la crise que nous vivons. Nous donnons d’une main ce que nous reprenons de l’autre !
Cette abstention exprime donc l’urgence de réorienter une politique économique et sociale qui ne réussit pas, qui s’éloigne des engagements pris pendant la campagne présidentielle et qui trop souvent brouille nos convictions de Gauche.
Patrice Prat, député du Gard.