La perspective de dommages et intérêts importants accordés à un salarié licencié par le tribunal des prud’hommes constitue pour une TPE ou un PME un risque financier conséquent. Ce risque serait de nature à freiner l’embauche. Le prétexte invoqué par le gouvernement pour cette barémisation est une limitation de ce risque financier.
On en vient à traiter par cette barémisation l’ultime conséquence d’une séparation qui, si elle avait été correctement conduite, ne se serait pas dégradée à un tel point.
Que se passe-t-il dans la réalité ?
Prenons un cas usuel : Un collaborateur est installé dans son travail. Avec le temps parfois, et quelles qu’en soient les raisons, sa performance se dégrade, les dérives (retards, absences, manquements, négligences, incivilités, conflits …) deviennent de plus en plus fréquentes et la situation commence à se dégrader. Arrive le moment où le dirigeant décide que cela suffit et qu’il faut que cette personne quitte l’entreprise.
Faute de parvenir à s’accorder sur une séparation amiable via une rupture conventionnelle, le chef d’entreprise licencie alors son employé, plus ou moins adroitement et plus ou moins brutalement. L’exemple usuel est celui d’une faute, lourde ou grave, invoquée ou inventée pour procéder sans ménagement au licenciement.
Le salarié congédié décide ensuite d’attaquer son employeur aux prud’hommes pour licenciement abusif. Il arrive que les prud’hommes requalifient le licenciement « sans cause réelle et sérieuse » et accordent à l’employé une indemnisation compensatrice conséquente.
Bien sûr, il est des salariés qui profitent de leur situation et abusent d’un comportement inacceptable, mais ceux-là donnent suite en général à une proposition de rupture conventionnelle.
Est-il pour autant nécessaire de plafonner ces indemnités ?
La responsabilité d’une situation devenue délétère en revient à l’employeur. En effet lorsqu’on recrute un collaborateur, on s’engage à :
- Lui fournir un travail
- Lui verser un salaire
- Le former
Mais ce n’est pas tout. Le devoir d’un employeur, c’est aussi de manager ses collaborateurs.
Et c’est souvent ici que le bât blesse. Prétextant un manque de temps, une charge opérationnelle élevée ou d’usuelles « tracasseries administratives », trop de petits patrons voire de prétendus « managers » … négligent le management.
Ou plus exactement, faute de repères ou de compétences, ils ne savent pas trop comment s’y prendre. La proximité et la convivialité, réelles en TPE-PME, occultent la nécessité d’un pilotage formel et régulier de tous les collaborateurs.
Comment organiser le pilotage des collaborateurs ?
En synthèse, un pilotage équilibré porte sur les performances autant que sur les compétences et les comportements, et alterne séquences collectives et temps individuels.
Parmi les séquences collectives, nous trouverons la traditionnelle réunion plénière de fin ou de début d’année, les réunions régulières de service (hebdomadaires, mensuelles ou bi/trimestrielles selon les contextes), et des réunions ponctuelles de lancement de nouvelles activités ou de gestion de crise…
Premier élément de pilotage : certains temps de ces séquences devront porter sur des éléments de cadrage réglementaire ou comportemental : horaires, port des EPI, respect de normes techniques, courtoisie etc.
Parmi les temps individuels figureront :
- L’entretien professionnel (rendu obligatoire par la loi du 5 mars 2014), biennal ou en des circonstances précises (retour de maladie etc.),
- L’entretien annuel d’évaluation, facultatif dans le cas général, obligatoire pour chaque salarié soumis au forfait-jours. Deuxième élément de pilotage : dans sa partie consacrée au passé, cet entretien doit impérativement porter non seulement sur les résultats mais aussi sur les écarts constatés entre ce qui était attendu et ce qui s’est passé. Troisième élément de pilotage, dans sa partie consacrée à l’année qui vient, cet entretien doit détailler de façon explicite les « exigences » de son manager, à savoir comment il contribue à la bonne marche des affaires et ce qui est attendu de lui en matière de comportement, d’évolution de compétences etc.
- Des entretiens et autres points bilatéraux plus ou moins planifiés et réguliers.
- Des entretiens non-planifiables résultant de nécessités de service (affectation à une nouvelle tâche, retour de formation …) ou de circonstances exceptionnelles (félicitations, recadrage, crise, conflit, « coup de mou » …)
C’est l’absence de ces deux derniers types d’entretien, la maladresse ou la négligence avec laquelle ils sont conduits, qui engendre les situations délétères évoquées plus haut et qui sont susceptibles de mener à un licenciement conflictuel, faute de savoir procéder autrement. C’est souvent le manque de compétence, ou le manque de courage, ou les deux, qui font qu’un entretien de recadrage n’est pas mené et qu’on laisse ainsi la situation s’envenimer.
Il manque dans cette palette un type d’entretien, un quatrième élément de pilotage, parfois appelé entretien séquentiel de pilotage. Pour faire simple, il s’agit d’un « mini entretien annuel », « plusieurs fois par an » ! Cet entretien peut se dérouler tous les 3 à 4 mois. Il est d’autant plus justifié que dans la conjoncture actuelle, circonstances économiques et priorités peuvent changer en un année. Cet entretien porte sur les travaux accomplis, les difficultés rencontrées, les résultats obtenus, les comportements affichés, les nouvelles priorités le cas échéant. Il doit faire l’objet d’un compte rendu écrit stipulant les points positifs et négatifs. Parmi ces derniers doivent figurer des alertes, recadrages ou avertissements constitutifs si nécessaire, le moment venu, d’un dossier de licenciement ainsi étayé en bonne et due forme. Un tel licenciement ne court quasiment aucun risque d’être requalifié comme abusif.
En conclusion, pour réduire le risque de dommages et intérêts en compensation d’un licenciement abusif, il faut avant tout éviter de créer des conditions abusives de licenciement. Pour cela il convient tout d’abord d’éviter que la situation se dégrade insidieusement, en identifiant les écarts et en exprimant d’éventuelles mises en garde par un pilotage précis et régulier des collaborateurs.
Qui plus est, un pilotage régulier ne peut qu’accroître le niveau de motivation et de performance des collaborateurs, ce qui ne peut être que bénéfique pour l’entreprise.
La mesure efficace et novatrice serait donc de rendre obligatoire l’entretien séquentiel de pilotage.
Il serait dommageable et contre-productif d’encourager un certain laxisme et de permettre à des entrepreneurs s’affranchir de leur devoir de management en instituant cette garantie d’une indemnisation plafonnée en cas de licenciement abusif.
NB : Dans ma vie professionnelle, j’ai toujours consacré un temps notoire à ce pilotage. J’ai eu à me séparer d’un certain nombre de salariés, sans jamais perdre aux prud’hommes.
Et qu’on ne vienne pas nous dire que mener de tels entretiens est chronophage, que c’est une tracasserie de plus ou que je ne sais quoi. Un patron, petit ou grand, un manager qui n’a pas le temps de passer une heure trois ou quatre fois par an avec chacun de ses n-1 ne mérite ni son poste, ni son statut. Qu’il redevienne alors simple salarié ou qu’il s’installe en indépendant.
Intéressant développé mais qui donne la part belle aux salariés et qui oublie quand même les comportements de certains qui, prêts à tout pour quitter l’entreprise, adoptent des comportements non professionnels. L’entreprise les licencie alors pour faute grave( en général ) c’est à dire sans indemnité de licenciement.Que fait alors le salarié il court aux Prud’hommes et comme dans 70% des conseils de prud’hommes l’employeur est condamné. Alors oui pour les entretiens annuels s’ils sont bien menés, oui si les salariés acceptent d’entendre qu’ils ne sont pas ou plus à leur place.
Quant à votre conclusion elle est loin de la réalité des entreprises aujourd’hui car oui cela prend du temps de mener des entretiens ( 3 4 fois par an !!!) car avant de mener ces entretiens il faut aussi passer du temps pour les préparer .Toutes les entreprises ne sont pas des PME