Les cinq erreurs du nouveau tract de l'UMP

Il est donc temps de donner les réponses de notre «jeu des cinq erreurs» sur le nouvel argumentaire de campagne UMP. Merci aux 753642 personnes (selon les organisateurs) – 11 selon le compteur du site – qui ont participé. Les cinq intox que nous avons dénichées sont décryptées sous le tract.

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1) Le tableau de la dette

En voilà un beau tableau! Qui montre que la dette française a progressé entre deux et trois fois moins que les dettes de l'Espagne, du Royaume-Uni et des Etats-Unis.  On avait déjà désintoxiqué ces chiffres sorti de la bouche de Nicolas Sarkozy. Car cette présentation est parfaitement malhonnête.  Selon les données d'Eurostat, la dette française est passée, entre 2007 et 2010, de 64,2% du PIB à 82,3%. Dans le même temps, celle de l'Espagne grimpait de 36,2% du PIB à 61%, celle du Royaume-Uni de 44,4% à 79,9%, et celle des Etats-Unis (source FMI), de 62% à 91,5%.

La «finesse»  (si l'on peut dire) de l'UMP est, comme l'ont relevé certains commentateurs, de se baser  sur une évolution en pourcentage à partir du niveau de la dette en 2007 en points de PIB. A ce compte, la dette française a progressé en quatre ans (jusqu'à 2010) de 28% (de 64 à 82), la dette espagnole de 68%, la dette du Royaume-Uni de 80% et celle des Etats-Unis de 50%…

Il en résulte pourtant une comparaison certes spectaculaire mais parfaitement trompeuse: l'évolution en pourcentage est d'autant plus élevée que le point de départ est bas. Ainsi, en appliquant la «méthode UMP», la dette du Luxembourg (qui a progressé sur la période de 12,4 points, de 6,7% à 19,1%) a évolué de près de 180%. Absurde.

Si l'on en reste à la seule comparaison pertinente -l'évolution de la dette en point de PIB-, la France a vu, entre 2007 et 2010, sa dette progresser de 18,1 points de PIB, contre 24,8 points pour l'Espagne, 29 pour les Etats-Unis, et 35,5 points pour le Royaume-Uni. C'est moins impressionnant. Ajoutons que la croissance de la dette française est, toujours entre 2007 et 2010, supérieure à celle de l'Italie (+15,3 points de PIB, de 103,1% à 118,4%), comparable à celle de l'Allemagne (+18 points, de 65,2% à 83,2%) et surtout à la moyenne de la zone euro (+18,9 points, de 66,3% à 85,4%). 

Conclusion : la France a alourdi la charge de sa dette dans la moyenne européenne.

2) L'explosion du pouvoir d'achat des fonctionnaires

Une hausse de 10% du pouvoir d'achat des fonctionnaires? L'argument est récurrent dans les discours de la majorité. Nous l'avions déjà repéré (et désintoxiqué) ici. Là encore, la présentation est trompeuse, bien aidée il faut le dire par l'extrême technicité du débat.

L'UMP (comme tous les responsables de la majorité sur le sujet) utilise l'indicateur le plus favorable pour mesurer la progression du pouvoir d'achat : la rémunération moyenne des personnes en place (RMPP) qui, corrigée de l'inflation, a donc augmenté de plus de 10% depuis 2006. La RMPP permet de suivre l'augmentation moyenne de la fiche de paie des mêmes agents d'une année sur l'autre. Elle augmente mécaniquement pour cause de vieillissement de la population, qui bénéficie d'évolutions de carrière (progression automatique dans les échelons, promotions). Parce qu'il ne considère que les agents qui restent en poste, cet indicateur ne tient pas compte du fait que les fonctionnaires qui partent en retraite, mieux payés en raison de leur ancienneté, sont remplacés par des jeunes en début de carrière, aux rémunérations plus basses.

Cet effet d'«entrées-sorties» est en revanche pris en compte par un autre indicateur, le SMPT (salaire moyen par tête), qui évolue donc moins vite que la RMPP. Le SMPT correspond au revenu moyen d'un agent à temps plein. Corrigé de l'inflation, il est comparable, dans sa définition, au pouvoir d'achat par personne en France. Mais les données le concernant ne sont pas disponibles après 2008. On peut toutefois remarquer que le pouvoir d'achat correspondant à la RMPP a augmenté de 25% entre 1998 et 2008, quand celui associé au SMPT a progressé de 7% dans le même temps. Un chiffre faible par rapport à la hausse du pouvoir d'achat par personne pour l'ensemble de la population (20%).

Le SMPT renferme par ailleurs un biais lié à un effet de structure : une partie des emplois peu qualifiés, à salaire faible, a été transférée vers les collectivités territoriales, ce qui a relevé artificiellement le salaire moyen dans la fonction publique d'Etat. En 2008, l'augmentation du SMPT a ainsi été de 0,5% en euros constants. Mais en excluant du calcul les 47 000 agents transférés, c'est une baisse de 0,5% qui a été constatée cette année-là. En corrigeant ce type de phénomène, on observe alors une stagnation du pouvoir d'achat entre 1998 et 2008, et depuis 2007. Loin des 10% avancés par le gouvernement, mais aussi de la forte baisse annoncée par les syndicats.

3) La revalorisation des allocations familiales en fonction de l’inflation entre 2007 et 2010

De l'art de présenter comme une mesure favorable… une mesure qui a en réalité pénalisé les familles. Le citoyen lambda tombant sur ce tract penserait que le gouvernement a préservé le pouvoir d'achat des Français en décidant d'indexer les allocations familiales sur l'inflation… Sauf que cette indexation, loin d'avoir été mise en place depuis 2007, a toujours existée… jusqu'à cette année. Le bilan de la majorité en la matière, c'est au contraire d'y avoir mis un terme, en novembre dernier. Les allocations sont désormais indexées «de 1% de manière forfaitaire, c'est-à-dire le niveau de la croissance prévue». Moins que l'inflation. Pour une économie globale de 0,4 milliard d'euros en 2012 et 0,5 en 2013.

4) Le pouvoir d'achat des Français maintenu alors qu'il baisse chez nos voisins…

Les comparaisons en matière de pouvoir d’achat sont complexes.  Il arrive au gouvernement (Frédéric Lefebvre l’avait fait, et cela lui avait valu un Désintox) de renvoyer à cet indicateur de la Commission européenne comparant les pouvoirs d'achat brut des ménages et du secteur associatif (taper 15, puis 15.3, puis real gross disposable income), qui montre que le pouvoir d’achat de la France a progressé davantage que la moyenne européenne entre 2007 et 2011… mais également moins que dans certains pays (Suède, Danemark, Pologne…)

Rappellons au passage que cette statistique est un indicateur macroéconomique mais pas une mesure de l'évolution moyenne du pouvoir d’achat des ménages.  En effet, n'est pas prise en compte l'évolution du nombre des ménages.

Ce qui nous renvoie d'ailleurs à la mauvaise habitude de la majorité en la matière, qui se borne systématiquement à communiquer sur le pouvoir d’achat du revenu disponible brut (deuxième ligne), c'est-à-dire l'ensemble des revenus disponibles, sans tenir compte de la dynamique démographique.

Mais si l'on tient compte de l’augmentation du nombre de ménages  (le gâteau grossit mais les Français sont plus nombreux à se le partager), on constate que, par personne (ligne 3), par ménage (ligne 4), ou par unité de consommation (ligne 5), le pouvoir d'achat a stagné, voire baissé (en 2008 notamment, ou en 2010 si on se fie au pouvoir d'achat par ménage).

Ajoutons que les perspectives en la matière ne sont pas réjouissantes. L'Insee prévoyant dans sa dernière note de conjoncture (p.79) une baisse du pouvoir d'achat au premier semestre 2012.

5) Les 500 000 emplois préservés grâce au chômage partiel

Le chiffre est rond mais ne veut strictement rien dire.  On estime (la DARES, dans cette étude) qu'au plus fort de la crise, environ 672 000 salariés ont été concernés sur une année (en 2009) par le chômage partiel. Mais établir une quasi équivalence -au doigt mouillé-  entre le nombre de salariés concernés et le nombre d'emplois préservés est une idiotie. Qu'une entreprise place ses salariés au chômage partiel n'implique pas qu'elle les aurait tous licenciés sinon. Le principe du chômage partiel est de faire partager la baisse de charge à l’ensemble des salariés… pour ne pas avoir à en mettre quelques uns dehors. Exemple chez Renault, où en 2009, plus de «30 000 salariés avaient connu au moins un jour de chômage partiel», avançait alors la direction. Soit les trois quarts des effectifs Renault SAS en France. Si l'on suit le raisonnement de l’UMP, le constructeur a donc sauvé 30000 emplois. Il n'en est rien. Renault estimait à l’époque que l'ensemble des mesures prises en 2009 pour réduire de 20% la masse salariale (chômage partiel, mais aussi modération salariale et plan de départs volontaires) avaient permis de sauver 8000 emplois. 

En 2009, Laurent Wauquiez, alors secrétaire d’Etat à l'Emploi et déjà habitué de la rubrique Désintox, avait tenté la même entourloupe, affirmant que les 350000 salariés concernés par l'activité partielle avaient été sauvés par le gouvernement.

G.La. et C.Mt

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