Le mensonge le plus symbolique de Jérôme Cahuzac restera celui proféré devant l'Assemblée Nationale en séance publique le 5 décembre 2012. Il est celui d'un ministre régalien devant une institution qui, ravalée en dernière position derrière le président de la République et le gouvernement dans le texte de la Constitution de la V° République, ne compte plus dans la pratique de celle-ci et dans l'esprit de celui-là.
Une République dont la tradition scandaleuse ouverte par l'affairisme immobilier, date de ses origines en 1958. En effet, s'il y a des aspects circonstanciels dans la dernière affaire en cause, il y a un vice caché dans le détail de ce régime : celui de l'irresponsabilité qu'il organise à tous les niveaux, de la présidence de la République aux pouvoirs locaux. Obsédés par leur volonté d'installer un « exécutif fort », les pères fondateurs de notre loi fondamentale ont abaissé tous ce qui pouvait faire ?uvre de contre-pouvoir. La bipolarisation a si bien fonctionné que les alternances consécutives à une élection présidentielle se sont avérées incapables de produire une alternative politique significative : les méthodes de gouvernement, les systèmes d'arbitrage, le personnel de décision et finalement les m?urs, restent les mêmes. Il y a bien une lente dégénérescence oligarchique qui explique aussi le scandale Cahuzac.
Le résultat est dans ces chiffres accablants tels qu'ils ressortent des enquêtes d'opinion : 72% des Français « ne font pas confiance aux responsables politiques » (Harris, mars 2013) et autant jugent que « le système démocratique fonctionne plutôt mal en France » (Ipsos, janvier 2013).
Aucune réforme depuis l'élection de François Hollande n'est venu combattre cette tendance. Depuis le renvoi aux calendes grecques de l'interdiction du cumul des mandats pourtant si populaire (82% des Français interrogés, par ailleurs favorables à la limitation à deux mandats consécutifs) jusqu'à l'enterrement de la réforme territoriale, rien n'est venu améliorer le renouvellement du personnel comme de la vie politique. Les dispositions du rapport Jospin notamment celles sur le renforcement du pluralisme à l'Assemblée nationale (la proportionnelle), la fin de l'inviolabilité du président de la République ou la prévention des conflits d'intérêts n'ont pas été retenues. Si bien que les propositions faites ce 3 avril par François Hollande apparaissent comme singulièrement inadaptées (y compris celle concernant l'indépendance de la justice).
La raison de cet immobilisme tient sans doute au fait que les révisions constitutionnelles successives (en particulier celle de 21 juillet 2008) se sont enlisées dans le renforcement du présidentialisme. Si la gauche ne veut pas être emportée par celui-ci, il lui faut faire preuve d'audace démocratique et engager une réforme d'ampleur. Les projets et les propositions surabondent et font l'objet de plus de consensus qu'il ne semble. Ils trouveraient facilement le soutien de l'opinion. L'Elysée ne veut pas ? Que des parlementaires se saisissent des opportunités de l'article 89 de la Constitution selon lequel « l'initiative de la révision appartient concurremment au président de la République et aux membres du Parlement ». Si des députés ou des sénateurs le veulent, un débat peut s'ouvrir sur la possibilité d'une autre République. Ce serait un début de réponse courageuse à la décomposition qui menace cette majorité.
La Convention pour la 6° République
Le 4 avril 2013, 18h