Mon « ras-le-bol » fiscal.

Comme beaucoup de monde, j’ai reçu ma feuille d’impôts et son montant est en nette augmentation par rapport à l’année dernière.

Ce n’est pas la cause de mon ras-le-bol fiscal.

Depuis bientôt deux ans, nous avons fait campagne pour François Hollande sur la base d’un programme à fortes composantes économiques (15 engagements sur 60). Si cette augmentation est le prix à payer pour réparer les dégâts du sarkozysme, je l’accepte.

Ce que je n’accepte pas, c’est le sort qui est réservé à la réforme fiscale tant annoncée.

Parmi nos arguments de campagne en 2012 figurait en bonne place la capacité d’un Président et d’un gouvernement socialistes à redresser la situation économique du pays, à gérer avec rigueur les finances publiques et à s’attaquer aux déficits, et ce notamment par une profonde réforme de la fiscalité.

Sur la base des recommandations de Thomas Piketty (http://www.revolution-fiscale.fr/), il était ainsi prévu :

  • Engagement n°9 : Pour atteindre cet objectif, je reviendrai sur les cadeaux fiscaux et les multiples « niches fiscales » accordés depuis dix ans aux ménages les plus aisés et aux plus grosses entreprises. Cette réforme de justice permettra de dégager 29 milliards d’euros de recettes supplémentaires.
  • Engagement n° 14 : La contribution de chacun sera rendue plus équitable par une grande réforme permettant la fusion à terme de l’impôt sur le revenu et de la CSG dans le cadre d’un prélèvement simplifié sur le revenu (PSR). Une part de cet impôt sera affectée aux organismes de sécurité sociale.
  • Engagement n° 15 : Les revenus du capital seront imposés comme ceux du travail. Je ferai contribuer les plus fortunés des Français à l’effort national en créant une tranche supplémentaire de 45% pour les revenus supérieurs à 150 000 euros par part. En outre, nul ne pourra plus tirer avantage des « niches fiscales » au-delà d’une somme de 10 000 euros de diminution d’impôt par an.
  • Engagement n° 16 : Je maintiendrai toutes les ressources affectées à la politique familiale. J’augmenterai de 25% l’allocation de rentrée scolaire dès la prochaine rentrée. Je rendrai le quotient familial plus juste en baissant le plafond pour les ménages les plus aisés, ce qui concernera moins de 5% des foyers fiscaux.
  • Engagement n° 17 : Je reviendrai sur les allégements de l’impôt sur la fortune institués en 2011 par la droite, en relevant les taux d’imposition des plus gros patrimoines. L’abattement sur les successions sera ramené à 100 000 euros par enfant et l’exonération en faveur des conjoints survivants sera conservée. Je renforcerai les moyens de lutter contre la fraude fiscale.
  • Page 41 du livret « Mes 60 engagements pour la France »(chapitre consacré au chiffrage du programme) : « Pour rétablir les finances publiques, j'(?) annulerai 29 milliards [d’euros de cadeaux fiscaux], équitablement répartis entre les ménages et les entreprises ».
  • S’en suivait l’engagement de 20 Milliards d’Euros supplémentaires ventilés ainsi :

 

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Depuis 18 mois, à quoi avons-nous assisté en matière de fiscalité ?

Tout a bien commencé, avec l’engagement par Jérôme Cahuzac, avant son explosion en vol, de premières réformes prometteuses : alignement de l’imposition des revenus du capitale et de ceux du travail, tranche à 45%, suppression de certaines niches fiscales. Il était encore crédible en août 2012 lors de l’Université d’Eté du PS lorsque, dans un atelier consacré à la fiscalité, il nous annonçait qu’entre mai et octobre 2012, les réformes n’étaient pas toutes réalisables et que la suite (barèmisation rendant progressive la CSG, disparition d’autres niches fiscales ?) viendrait en 2013 et 2014.

Mais depuis, force est de constater que ce n’a été qu’une succession de couacs, de renoncements, d’allers-retours, donnant le sentiment d’un flottement, d’une navigation à vue, d’un manque de courage nous conduisant à cette terrible notion de « pause fiscale », affligeant symbole de tous les renoncements et de toutes les impuissances.

Ras-le-bol que la Direction du Trésor se soit fait piéger comme des débutants avec cette histoire d’impositions des plus-values de cession, et ait dû reculer, penaude, devant la fronde des pigeons il y a un an.

Ras-le-bol qu’il ait fallu renoncer à telle ou telle niche fiscale pour protéger les promoteurs immobiliers outre-mer ou les marchands d’art.

Ras-le-bol de ces atermoiements sur le financement de la protection sociale et de la oui-non TVA sociale alors que depuis 10 ans dans ses congrès comme dans ses écrits, le Parti Socialiste et ceux qui maintenant sont ministres prônaient un basculement du financement de certains risques vers un financement universel, à savoir la CSG, en lieu et place d’une assise sur les seuls salaires.

Ras-le-bol que la Direction du Trésor n’ait pas vu, ou ait cyniquement laissé faire, le fait que la baisse du plafond du quotient familial sur le revenu allait mécaniquement affecter des ménages très modestes, privant en outre certains des aides réservées au non-imposables.

Ras-le-bol d’entendre et de laisser l’UMP et la presse nous culpabiliser sur des augmentations d’impôts résultant essentiellement de décisions prises par le gouvernement Fillon-Sarkozy en 2011.

Ras-le-bol d’un Premier Ministre qui « assume » bravement alors que gouverner c’est prévoir.

Ras-le-bol de s’entendre dire que les socialistes sont défavorables à la famille parce que certains allègements d’impôts concernant les enfants scolarisés disparaitraient.

Ras-le-bol que l’on ait inventé en toute précipitation avant de la retirer cette taxe sur l’EBE, tout en annonçant la disparition puis le retour de l’IFA (Imposition Forfaitaire Annuelle pour les grandes entreprises) et de la C3S (Contribution Sociale de Solidarité des Sociétés touchant toute entreprise de plus de 760 000 ? de CA)

Ras-le-bol qu’on tourne en rond sur la chasse à la fraude et à l’évasion fiscale alors que tant le livre d’Antoine Peillon (Ces 600 Milliards qui manquent à la France) que le rapport du député Pierre-Alain Muet sur l’optimisation fiscale des entreprises dans un contexte international indiquent clairement les actions à engager et les mesures à prendre.

Mais qu’est-ce que c’est que ce beans ?

La pause fiscale, c’est le renoncement,

La pause fiscale, c’est l’immobilisme,

La pause fiscale, ce n’est pas le changement

La pause fiscale, ce n’est pas maintenant.

Le gouvernement s’en sort plutôt bien sur pas mal de fronts : rentrée scolaire (Peillon), industrie (Montebourg), PME et innovation (Pellerin), sécurisation de l’emploi et retraites (Sapin), retours de moyens dans la Police et dans la Justice (Valls et Taubira), Economie Sociale et Solidaire (Hamon), Logement (Duflot) etc.

Il n’y a quasiment qu’en matière de fiscalité que Bercy donne l’impression de se prendre les pieds dans le tapis chaque fois que c’est possible, voire de relever et recourber le tapis pour être bien certain de trébucher en toute occasion et ainsi de ne rien faire.

La stabilité fiscale n’est pas la solution, comme je l’écrivais la semaine dernière « Le piège de la stabilité fiscale »

Alors n’y a-t-il pas moyen, une fois pour toutes, d’effectuer un état des lieux serein, de mettre en avant nos valeurs de justice sociale pour engager cette réforme fiscale, en formulant et en partageant avant décision des options basées sur des scenarios de croissance plus ou moins optimistes, et en conséquence de fixer un cap ?

  • Fusion IRPP et CSG en un seul impôt progressif préservant familles et bas revenus
  • Disparition de la plupart des niches fiscales et même de celles des journalistes
  • Evolution de la fiscalité des entreprises en fonction de leur notation sociale ou du degré de réinvestissement des bénéfices
  • Basculement vers la CSG du financement d’une partie de la protection sociale

Il est nécessaire de rationaliser l’impôt, de le rendre plus juste, plus redistributif, et moins coûteux à collecter. Pour cela, faut-il changer des têtes à Bercy et à la Direction du Trésor ? Je ne veux pas le savoir, la question n’est pas là.

Mais ce que j’exige, à double titre, en tant que contribuable et en tant que militant, c’est que les engagements que nous avons portés soient tenus, et que les candidats que nous avons soutenus y soient fidèles.

La fin du ras-le-bol, c’est maintenant !

La loyauté, c’est maintenant !

Le courage, c’est maintenant !

La réforme, c’est maintenant !

 

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