Depuis 2012, des avancées majeures ont eu lieu sur le plan sociétal (mariage pour tous, égalité femmes-hommes), social (Réforme des rythmes scolaires, Lois de Sécurisation de l’emploi, réforme du financement de l’insertion par l’activité économique, réforme de la formation professionnelle) ou économiques (loi sur l’économie sociale et solidaires, actions en matière de redressement industriel et de promotion du made-in-France).
Cependant le gouvernement s’est écarté des promesses du candidat François Hollande sur bon nombre de sujets essentiels :
- Le droit de vote et d’éligibilité pour les résidents étrangers aux élections municipales,
- La réorientation de l’Union européenne et la renégociation du TSCG (Traité sur la Stabilité, la Coordination et la Gouvernance, alias pacte budgétaire européen),
- La réforme de la fiscalité, au-delà de ses premiers pas (imposition égale des revenus du travail et du capital, tranche à 45%, réduction des niches fiscales),
- La « mise au pas » du système financier, largement édulcorée via deux lois minimalistes respectivement relatives à la séparation des activités bancaires et à la taxation des transactions financières,
- Le pouvoir d’achat des classes moyennes et des classes modestes, par des petits coups en douce avec la hausse de la TVA, avec le relèvement de 8 à 20% du forfait social sur l’intéressement, avec le non relèvement des tranches de l’Impôt sur le revenu, ayant mécaniquement entraîné l’imposition de deux millions de foyers disposant de faibles revenus, et pour couronner le tout, avec l’imposition comme avantage en nature de la part patronale de la complémentaire santé, via un décret publié en catimini le 29 décembre dernier !
Premier constat donc : « le gouvernement n’a pas mis en œuvre certains des engagements ou débats essentiels qui avaient marqué la campagne présidentielle, et il a mis en œuvre des mesures inattendues, qui ne faisaient pas partie du programme de notre candidat et qui ont affecté le pouvoir d’achat des classes populaires et des classes moyennes ». C’est principalement cela que nos électeurs nous reprochent avant même le manque d’effets sur la conjoncture économique et en particulier sur le chômage, c’est cela qu’ils nous ont fait payer en mars et le 25 mai.
En deuxième, nous réaffirmons notre souhait que le nouveau gouvernement remporte rapidement des premiers succès et prenne un virage vers plus d’efficacité : à moyen et long terme en osant rénover et investir pour dégager enfin des marges (santé plus responsabilisée, énergie convertie à l’électrique, transports et industrie décarbonés, nouveaux indicateurs de développement,…). A court terme par exemple au travers du Pacte de responsabilités tel que présenté́ par François Hollande les 31 décembre et 14 janvier derniers, qui est un outil essentiel non seulement du redressement économique mais aussi de la reconquête de l’opinion publique et de notre électorat. Sur ce dernier point, l’innovation majeure de ce pacte consiste en l’existence de contreparties, d’engagements pris par les entreprises en échange des allègements de cotisations, de taxes et d’impôt dont elles bénéficieraient.
Cette notion de contreparties, favorables aux salariés, à la formation professionnelle, à l’amélioration des conditions de travail, au dialogue social, à l’emploi, c’est le marqueur essentiel d’une politique de gauche, c’est ce qui différencie le socialisme de l’offre d’une politique de droite néolibérale.
Or depuis quelques semaines et notamment depuis la formation du nouveau gouvernement, nous n’entendons plus parler des contreparties.
Rien ne nous garantit aujourd’hui que les baisses accordées amélioreront le sort des chômeurs, des travailleurs, et ne se dissiperont pas en dividendes, en coûts de délocalisation ou en hauts salaires.
Nous devons tirer les leçons des deux années écoulées et des deux défaites électorales que nous venons de subir. Nous nous félicitons des actions récemment annoncées ou engagées en matière de vote des résidents étrangers, de fraude fiscale et de contrôle des investissements étrangers dans les secteurs stratégiques. Nous réaffirmons notre soutien au gouvernement et demandons une accentuation de la politique gouvernementale en faveur de l’emploi et du pouvoir d’achat.
Nous souhaitons la réussite du Pacte de responsabilité et demandons instamment au gouvernement et au parlement de s’assurer qu’un volet de contreparties « claires, précises, mesurables et vérifiables » sera intégré au pacte dès l’été 2014.
De même, nous souhaitons une évolution de la Loi de séparation bancaire et de la Taxe sur les transactions financières vers plus de détermination, plus de responsabilisation et plus d’encadrement des risques de dérive ou d’abus.
Certains parlementaires ont eu le courage de relever ce qui leur apparaissait comme un écart trop important entre leurs engagements et ce qu’ils voyaient se profiler à l’horizon.
Nous ne voulons pas, comme l’a rappelé A. Montebourg en 2012, d’un «parlement soumis» qui serait «une chambre d’enregistrement des projets du Président qui n’hésiterait pas à mettre au pas sa majorité au moindre murmure de contestation, sans pour autant être responsable devant elle».
On les baptise frondeurs, d’autres se nomment « socialistes affligés », d’autres encore s’en sont allés rejoindre le Front de Gauche ou Nouvelle Donne. Ils disent tout haut ce que bon nombre d’entre nous et de nos militants pensent tout bas, ou que nos ex-électeurs regrettent.
A force de trop jouer la solidarité sans esprit critique, on en arrive à une telle distance, à un tel fossé avec nos électeurs que nous perdons en crédibilité bien plus que ce que nous gagnons chichement en cohésion et en efficacité partisane.
Alors oui, il nous revient de rappeler, avec bienveillance, le gouvernement et les parlementaires à leurs engagements et à nos convictions de gauche lorsque nous l’estimons nécessaire, c’est notre devoir. Et si nous ne parvenons pas à être entendus de nos propres camarades, de ceux que nous avons portés au pouvoir et bien exprimons-le avec rigueur et professionnalisme, sur des faits précis, sans émotion ni attaque personnelle.
Nous ne sommes pas là pour clouer au pilori ceux qui ont eu le mérite de tenter de recadrer les choses, et qui ont largement contribué ces dernières semaines à améliorer le sort futur des classes les plus modestes. L’UMP est à l’agonie, cela devrait décupler notre motivation à parler clair et franc et à montrer aux Français à quel point nous nous soucions de leurs problèmes.
Ainsi, à la lumière du bilan des deux années écoulées, de l’expérience acquise par l’exercice du pouvoir, de l’analyse de la situation actuelle et en réaction aux deux défaites qui nous frappent, nous ne pouvons rester inactifs. Il nous revient d’engager un travail collaboratif d’analyse et de propositions impliquant l’ensemble des militants, et permettant d’exprimer notre lucidité, notre courage et nos ambitions pour le pays dans les années à venir.
Ce travail nous permettra de formaliser notre pensée et de formuler de nouvelles propositions conciliant objectifs de compétitivité et de justice sociale pour la période 2014-2017.
Nous décidons de nous y atteler et invitons celles et ceux qui partagent notre analyse et notre démarche à se joindre à nous. Nous publierons régulièrement des synthèses de nos travaux et en mettrons l’intégralité à disposition des instances départementales et nationales du Parti Socialiste.
16 juin 2014 – Kathy Similowski (Conseillère Municipale Issy-les-Moulineaux), Vincent Guibert (Conseiller Municipal, Boulogne-Billancourt), Caroline Gauvain (Conseillère Fédérale, Ville d’Avray), Pascal Ménard (Boulogne-Billancourt), Jean-Philippe Brette (Conseiller Fédéral, Boulogne-Billancourt), Laurence Lenoir (Adjointe au Maire de Gennevilliers), Habiba Bigdade (Adjointe au Maire de Nanterre), Myriam Petit (Conseillère Municipale, Bois-Colombes)…