Affaire Bettencourt – Arnaud Montebourg (PS): «La République est discréditée» (NICE-MATIN)

Affaire Bettencourt – Arnaud Montebourg (PS): «La République est discréditée»

Propos recueillis par André Fournon

 

Lorsque les amis d'Éric Woerth accusent les députés socialistes  d'acharnement, d'être ? excités par l'odeur du sang ?, comment  réagissez-vous ?

Ma réponse c'est de rappeler que les hommes ne sont pas particulièrement en cause mais que le système qui les implique et qui vient d'être mis à nu est politiquement et judiciairement condamnable. Un système de passe-droits fiscaux pour les plus hautes fortunes qui utilisent les paradis fiscaux et les sociétés écran pour frauder le fisc, semblent obtenir néanmoins la complaisance du pouvoir fiscal de l'État, parce qu'elles financent l'UMP. C'est ce que révèlent les dossiers Bettencourt et Wildenstein : l'administration fiscale avait connaissance des fraudes sur une grande échelle de ces grandes fortunes, pourtant, le ministre du Budget, Éric Woerth, n'a ordonné aucune enquête fiscale. Et dans l'affaire Bettencourt, le ministre a même fait un chèque au titre du bouclier fiscal de 30 millions d'euros, comme pour remercier avec les caisses publiques la généreuse bienfaitrice de l'UMP.

 

Vous parlez souvent d'une crise de régime, d'une république à deux vitesses?

Aujourd'hui, nous sommes en effet fondés à mesurer à quel point le pouvoir, dans sa collusion avec les intérêts, distribue les privilèges fiscaux à ses amis. Dans le même temps, il augmente les impôts sur les classes moyennes et les gens ordinaires pendant que l'administration fiscale est au quotidien impitoyable avec les citoyens sans appui ni influence. Quand vous payez pour l'UMP, vous n'aurez pas de contrôle fiscal : ces pratiques sont condamnables sur le plan pénal. Il est désormais nécessaire que la justice soit saisie, pas la justice des procureurs manipulés par le pouvoir, celle au contraire des juges d'instruction indépendants du Gouvernement. Or, à ce jour, c'est le procureur Courroye, ami personnel du président de la République, nommé dans le département du Président pour le protéger, qui fait une enquête sur un ministre du Président?

 

L'intervention télévisée d'Éric Woerth vous a-t-elle apporté les

réponses que vous attendiez ?

Aucune question embarrassante ne lui a été posée et il refuse de répondre aux questions embarrassantes que nous lui posons tous les jours. Il est accusé par l'ancienne comptable de Mme Bettencourt d'avoir reçu de l'argent liquide comme à l'époque du RPR et de Jean-Claude Méry. Nous sommes donc au c?ur d'une crise de régime car aucune leçon n'a été tirée des graves écarts constatés dans le passé. Le système politique et judiciaire de la Ve République est incapable de condamner ces comportements et encourage l'incivisme dans la classe dirigeante alors que la République dont nous rêvons tous devrait encourager l'exemplarité.

 

Quelle solution proposez-vous ?

La République est discréditée en ce qu'elle agit à l'inverse des principes qu'elle proclame. La Ve République est fondée sur la non-responsabilité de ceux qui exercent le pouvoir. La VIe République doit être organisée selon le principe de responsabilité. Celui qui exerce le pouvoir ne sera pas plus vertueux mais il devra rendre des comptes, comme cela se fait dans toutes les démocraties européennes.

 

? L'UMP flingue le net et Mediapart ? titrait ce mercredi Le Post.

Est-ce la réaction attendue face à une crise aussi intense ?

Toute la stratégie du pouvoir actuel consiste à contrôler les médias. Ce qu'ils ont réussi à faire. Finalement, il ne nous reste plus qu'internet et les alternatifs car désormais la télévision elle-même a été prise en main par les amis du pouvoir ou le pouvoir lui-même. La liberté de la presse a régressé, comme la liberté des collectivités locales d'ailleurs. Le pouvoir veut se débarrasser de tous ces contre-pouvoirs encombrants pour avoir les mains libres. Voilà pourquoi la naissance d'une République nouvelle est inéluctable, ne serait-ce que parce que la France mérite mieux. Après le départ de Nicolas Sarkozy.

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