Les pigeons ont crotté partout

En faisant passer les créateurs d'entreprises pour des individus cupides, essentiellement préoccupés par la taxation d'une hypothétique plus-value de cession, les animateurs du mouvement des pigeons ont considérablement et durablement terni l'image des entrepreneurs.

L'entreprenariat, c'est la liberté, l'autonomie, la créativité. C'est la possibilité d'innover, de proposer, de tester sans être freiné ou alourdi par des procédures internes et des besogneuses justifications économiques comme on en rencontre dans les grands groupes. C'est le droit à essayer, à se tromper, à recommencer, à persévérer. C'est filtrer le bruit de fond de celles et ceux qui du haut de leurs certitudes, pensent que ça a déjà été fait ailleurs ou que ça ne marchera jamais. C'est la crainte de devoir renoncer, c'est le risque de s'épuiser voire de perdre tout ou partie de sa mise. C'est le bonheur de créer des emplois, c'est la satisfaction de gagner des clients, c'est enfin l'espoir à terme de revenus substantiels voire d'un jackpot.

Tout cela, les pigeons en ont si peu parlé. Ou plus exactement si, les 3 ou 4 « pigeons originels » qui au détour d'un café ce 28 septembre dernier, étaient sans doute sincères et ont eu le sentiment, sans trop vérifier ce qu'il en était, que le projet de loi de finance allait les déposséder de leur bien. Ils ont réagi d'instinct, on ne saurait les en blâmer, à ce qui n'était qu'un projet, certes inachevé et ambigu sur certains points sensibles. Mais les communicants de l'UMP et du MEDEF se sont ensuite rapidement emparé du phénomène et ont littéralement « pigeonné » les 64 000 suivants, qui se sont engouffrés dans cette vague protestataires aux relents poujadistes.

Les pigeons ont crotté partout, il va nous falloir du temps pour tout nettoyer.

Pour preuve :

En cette fin d'après-midi du 9 octobre se tenait la conférence inaugurale du salon des microentreprises. A la tribune se trouvait une brochette d'entrepreneurs, tous ayant de belles réussites à leur actif, venus pour témoigner  sur leur parcours et  leur vécu des réseaux d'affaires. Et bien sûr, certains n'ont pu s'empêcher de roucouler d'autosatisfaction à l'évocation des pigeons.

Parmi eux, Sandra Legrand (Fondatrice de CanalCE) et surtout Charles Beigbeder (Président de la commission entreprenariat du Medef, secrétaire national UMP), qui  a gratifié l'auditoire d'une « palpitante »  narration heure par heure de la chronologie des pigeons. «  À 13h38 le premier jour ils étaient 3 puis tel jour telle heure, 300 puis  3 000 puis etc?  et ce matin on en dénombrait 64 000». Jusqu'à  cette conclusion stupéfiante : « Mais la mobilisation ne va pas s'arrêter là, et il faut continuer à mettre la pression sur le gouvernement pour qu'il retire ce texte débile ». Puis il s'arrête en plein vol, sûr de son effet. Les maigres applaudissements des 2 à 300 personnes présentes dans la salle lui ont rappelé un peu durement qu'il était à un salon professionnel et non à une tribune de l'UMP?

Alain-Dominique Perrin, ex PDG de Cartier, conclura quelques instants plus tard de ces mots : « Il faudra rappeler à François Hollande de ne pas avoir honte du mot ?réussite' ». ?illades et sourires de connivence à la tribune.  

A l'élégance des propos, les deux ajouteront quelques minutes plus tard une pointe de respect et de galanterie, en quittant discrètement la salle dès le début du discours de la ministre Fleur Pellerin.  

 

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