Le spectacle que donne ce parti inspire de nombreuses analyses où la détestation psychologique des deux protagonistes revient souvent. On y trouve peu d’explications pourtant sur le fait que ce « drame » semble très franco-français.
Dans aucun autre pays démocratique d’Europe, on ne voit ce genre de rivalités portées à ce niveau de paroxysme. Pas plus que le même scénario que vécut le PS après son congrès de Reims en novembre 2008 ne s’est rejoué ailleurs dans un parti social-démocrate.
Pourtant il y a bien une « européanisation » des systèmes et cultures politiques. Pour ne citer que lui, l’italien Raffaelle Simone l’a bien mis en évidence (dans « Le Monstre doux. L’Occident vire-t-il à droite ? ». Gallimard, 2010): il y décrit justement le paysage inédit d’une « droite nouvelle » qui ne coïncide avec aucune des droites qui se sont succédé au XX° siècle et dont la méconnaissance serait une des causes de la crise des gauches européennes. Analysant les facteurs innovant de cette droite, il note celui-ci: « On ne négocie pas avec l’adversaire, on le désapprouve jusqu’à le ridiculiser. Les règles générales de la lutte politique lui semblent inutiles, non seulement parce qu’elles limitent la liberté d’ action, mais aussi parce qu’elles ralentissent l’exercice des pouvoirs et le souci des intérêts ». On dirait du Buisson. Mais cela vaut dans bien des pays, en Italie et ailleurs sans que nulle part on ne trouve « violence et passion » comme dans le cas français.
Et si la cause en était aussi institutionnelle ? Comment oublier le déchainement des intérêts, bien au-delà des ambitions que provoque l’anticipation de l’élection présidentielle au suffrage universel direct ? Depuis que celle-ci à généralisé son emprise sur toutes les autres élections (locales, législatives, européennes) désertées du coup par les citoyens, elle est désignée comme la « mère des batailles » par tous les états-majors partisans. Alors qu’elle schématise, nationalise, bipolarise exagérément la vie politique, elle relègue les partis à l’état de machines électorales de conquête du maximum de pouvoir pour un seul homme. La France est le seul pays parmi les douze de l’Union Européenne pratiquant ce genre d’élection où cela se produit. C’est que la tradition vient de loin: des régimes bonapartistes où le plébiscite était la règle; une « culture » rénovée par la V° République dont la réforme présidentialiste de 1962 (avec le référendum instaurant l’élection du chef de l’Etat au suffrage direct) fut l’expédient pour tenter de proroger le pouvoir du général De Gaulle.
Mais il n’y a sans doute rien de pire que des bonapartismes sans bonapartes. Aucune des personnalités de la droite qui se sont succédées à l’Elysée après 1969 n’a pu reproduire le statut et la fonction de « l’homme providentiel ». La gauche y a sans doute mieux réussi après 1981 mais à quel prix ?
Le malaise est si grand que beaucoup, même à droite pensent revoir ce système. Il n’est qu’à lire la trés libérale revue « Commentaire » de cet automne (n°139): Pierre Mazeaud par exemple, ancien président du Conseil Constitutionnel y fait part de ses « rêves, regrets et recommandations ». Copé, Fillon et Juppé devraient le lire. Mais d’autres aussi à gauche; tant il vrai que nous n’avons pas à faire à la seule crise de l’UMP mais à la part d’ombre bien française que la présidentialisation de l’opinion inflige à la politique démocratique dans ce pays.