Allocution d'Arnaud #Montebourg lors de la 8° convention du pôle de compétitivité Systematic

8° convention du pôle de compétitivité Systematic

Montrouge (92), 17 juin 2013

Allocution d'Arnaud Montebourg, Ministre du redressement productif.

(seul le prononcé fait foi)

Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs


IMG_5685.JPG(…) Face à la concurrence mondialisée déloyale, iI nous revient de nous organiser. Nous voyons que beaucoup de nos compétiteurs dans le monde s'organisent. D'abord ils ont depuis longtemps, et c'est l'apanage, la caractéristique des pays qui ont le mieux résisté dans la crise, ils ont su faire preuve d'unité, ils ont fait l'alliance des forces productives. D'ailleurs les pays à structuration holiste, c'est-à-dire où le collectif est supérieur, dans la préférence d'une société à l'individu, ont été plus forts et plus résistants dans la crise que les pays à structuration individualiste. Et nous sommes plutôt dans cette catégorie. Je suis d'ailleurs toujours surpris de devoir être finalement le ministre qui ramène toujours au patriotisme. Alors que cela aurait dû être un réflexe. D'autres pays n'ont pas besoin d'avoir un discours politique sur l'engagement patriotique. C'est-à-dire la préférence pour l'entreprise que l'on connait, l'économie que l'on soutient et la solidarité entre les grandes entreprises et les petites, les laboratoires publics et les laboratoires privés, les consommateurs et les producteurs, le système bancaires et le système productif, l'alliance entre l'univers académique et l'univers productif, bref ce travail-là, vous le réalisez dans les pôles de compétitivité. L'esprit unitaire, que j'appelle l'alliance de toutes les forces entre autour de projets, est le moyen par lequel notre pays peut se redresser.

Et c'est une des raisons pour lesquelles les pôles de compétitivité sont considérés par mon ministère comme un point d'appui pour le renouveau économique et le redressement industriel. Ce premier talisman, l'unité, vous la réalisez concrètement. Vous mettez autour de la table des pme, des grands donneurs d'ordre, des laboratoires de recherche publics avec des innovations fondamentales et appliquées, des budgets de r&d privés dans les entreprises. Vous unissez également des territoires, c'est-à-dire des élus, des gens qui ont le souci de débouchés concrets et vous vous projetez dans la mondialisation parce que vous avez une taille critique, et c'est le cas de Systématic vous venez de le dire M. le Président, avec finalement une mise en compétition qui permet à la France de se projeter sur des innovations à la portée considérable.

Tous les pays du monde financent massivement leurs innovations. Croire que l'innovation est financée naturellement par le système financier est une chimère. A part peut-être la Californie, qui n'est pas un état autre qu'appartenant à la grande puissance que sont les Etats-Unis d'Amérique, la Corée du sud, la Chine, les grands états occidentaux financent de façon étatique leur innovation. C'est ce que nous devons faire et nous sommes en retard par rapport aux autres pays du monde. Dans la déferlante technologique aujourd'hui, les chinois mettent des milliards sur les innovations pour rattraper le retard technologique qu'ils considèrent avoir sur nous.

Et donc notre travail est d'organiser le soutien mutuel, de financer les projets. La 3e génération des contrats passés avec les pôles de compétitivité pour nous est fondamentale puisqu'elle a comme objectif d’amener à des projets concrets qui nous permettent de prendre rang dans la compétition internationale. Je les appelle ces pôles de compétitivité des « usines à produits d'avenir ». Vous n'en êtes pas à part puisque les projets dans la durée nous les soutenons nous les entretenons et dans le rabotage budgétaire les pôles de compétitivité ont été relativement épargnés. Bien sûr nous vous demandons des efforts mais pas dans les proportions qui auraient pu considérer qu'on pouvait passer par pertes et profits le travail que vous avez accompli dans les dernières années, dans cette dernière décennie difficile, et c'est une des raisons pour lesquelles vous avez le soutien du gouvernement.

Je veux ajouter que dans cette grande alliance des forces productives nous avons fait le choix d'utiliser la commande publique. Souvent on me dit « mais qu'est-ce que c'est que ce Ministère du Redressement Productif ? ». D'abord il faut revenir à l'histoire de la campagne électorale. François Hollande avait défendu un pacte productif, j'avais moi-même défendu dans la primaire le renouveau productif et ensemble, François Hollande et moi-même, nous avons fait le « Redressement Productif », à l'esprit rooseveltien, c'est-à-dire où la puissance publique dispose de leviers pour agir, comme le font tous nos concurrents dans le monde, comme le font les états qui décident d'entrer dans la compétition économique et d'assurer le leadership technique, technologique par la politique. Il suffit de lire les minutes du congrès du Parti Communiste Chinois, du 12° plan de la République Populaire de Chine pour comprendre à quel point les batailles sont d'abord des batailles entre les état-nations avant d'être des batailles autour des technologies et entre les entreprises. Si on a compris ça on comprend pourquoi on a fait le Redressement Productif. C'est l'équivalent du MITI japonais que nous sommes en train de construire. Pour quelle raison a-t-on donné au Ministère du Redressement Productif les participations de l'état, qui pour une fois ne seront plus gérées en bon père de famille attendant les dividendes qui tombent à la fin de l'année mais avec une vision politique industrielle ? C'est l'exemple que je donne souvent dans l'affaire Renault. Nous avons 15%, mais ce sont les 15% que nous avons activés pour obtenir des résultats industriels. Lesquels ? Lorsqu'il y a eu un accord de compétitivité passé entre les partenaires sociaux pour améliorer la performance des sites, nous avons dit à la fois aux partenaires sociaux et à la direction de Renault que nous souhaitions que l'accord se solde positivement par des relocalisations industrielles sur le sol français, et le résultat est que 200 000 véhicules seront assemblés en plus sur le territoire français alors que Renault  n'en produisait plus que 500 000. C'est un résultat industriel.

Lorsque nous intervenons comme actionnaire de référence de France Telecom en disant non, nous gardons Dailymotion parce que les Européens, les Français, ont besoin d'industries pointues. S'il y a des alliances à passer c'est 50-50 ce n'est pas « vous vous faites dévorer par un géant de l'internet américain » et on ne reverra plus jamais nos joyaux et nos pépites du numérique comme par exemple : Dailymotion. Et vu les antécédents de Yaho
o nous avons parfaitement raison de nous en méfier.

Ce sont des choix de politique industrielle que nous exerçons comme actionnaires et comme les actionnaires privés exercent des choix, eh bien les actionnaires publics exercent désormais des choix de nature industrielle. Et nous allons faire la même chose avec la commande publique. C'est là que les PME qui sont organisées dans les pôles de compétitivité doivent pouvoir bénéficier des 2% de commande publique que nous souhaitons consacrer à l'innovation. Nous réunissons les directeurs des achats de ces entreprises. Ils n'ont jamais vu un ministre, c'est la première fois qu'on les fait venir à Bercy ! On leur demande de venir, et on leur dit : « Vous devez changer d'attitude. Vous nous parlez d'appels d'offres, de droit, mais nous le droit ne nous intéresse pas, ce qui nous intéresse c'est l'économie, nous, le respect talmudique des règles ne nous intéresse pas, ce qui nous intéresse c'est la croissance de notre économie, donc débrouillez-vous pour que le droit serve l'intérêt général et non pas l'inverse. ». C'est quand même un changement, c'est une rééducation à l'intérêt de notre économie, au rassemblement de tous les Français autour de l'objectif économique. Tout cela, les pôles de compétitivité vont pouvoir en profiter et surtout, l'association des pôles de compétitivité au nouveau CNI, parlement de l'industrie, fait que les choix que nous allons bientôt annoncer avec le Président de la République, où filière après filière, nous avons dégagé des orientations technologiques, et même nous nous sommes dit sur des objectifs partagés sur le plan technologique, pour que nous soyons ensemble d'accord sur les choix technologiques que nous allons faire, comment nous allons les financer, avec les pôles, sur le terrain, certains projets d'ailleurs sont déjà bien engagés, dans tous les secteurs où nous considérons que nous avons des atouts comparatifs, des avantages compétitifs, et avec cette organisation nous allons dessiner sur l'ensemble des projets le nouveau visage de la France industrielle de demain. Nous ferons d'ailleurs des annonces sur ces plans industriels dans peu de temps, avec le Président de la République, dans quelques semaines.

L'esprit, c'est l'esprit du colbertisme que j'appelle « participatif ». C'est un mélange entre Colbert et Obama. Colbert, c'était la dictature éclairée d'une France qui souhaitait devenir une puissance mercantile. Obama c'est l'écoute de la société. Nous avons mélangé ces deux traditions politiques, qui se ressemblent peu et qui pourraient être d'ailleurs un assemblage curieux mais qui fonctionne.

Dans les filières qu'est-ce que nous disons ? « Quels sont vos projets ? Qu'est-ce que vous avez à proposer ? D’ailleurs, des pôles sont intervenus. Vous avez parlé de « villes intelligentes » ? Ce sont là des programmes qui  vont complètement restructurer le mode de production de nos produits et qui d'ailleurs vont jouer en faveur de la relocalisation des activités au plus près des marchés où les consommateurs sont devenus de plus en plus exigeants vis-à-vis des produits finis. Et le choix que nous avons fait c'est d'écouter la société industrielle, et donc ayons l'intelligence d'en tirer le meilleur et de faire en sorte que nous nous mettions tous d'accord dans une forme de contrat moral autour d'orientations technologiques, politiques, écologiques, industrielles. C'est ce que nous allons faire avec vous, c'est l'esprit de ce renouveau industriel, et c'est ainsi que nous ferons de la France, la Nouvelle France, une France qui elle aussi est productive, performante, croissante. Cela prendra du temps, cela méritera beaucoup d'efforts, mais je crois que vous n'en n'êtes pas dépourvus.

Nous avons devant nous des enjeux considérables et ce que vous représentez, au pôle de compétitivité Systématic, est pour nous un des exemples des pôles mondiaux qui peuvent nous permettre de croire en nous-mêmes. Romain Gary, grand compagnon de la libération, écrivain extraordinaire disparu dans des conditions tragiques, avait dit « Le nationalisme c'est la haine des autres, le patriotisme c'est l'estime de soi ». Ayons de l'estime pour nous-mêmes, avançons comme vous le faites.

Vive le Redressement Productif, vive la République, et vive la France !

 

 

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